Messages de mères inconnues : au cœur de la vie des femmes chinoises

« Pourquoi est-ce que ma maman chinoise n’a pas voulu de moi ? » Une question qui hante certainement les petites filles chinoises adoptées à l’étranger à partir des années 1990. En leur envoyant des Messages de mères inconnues, l’écrivaine Xinran leur donne des éléments de réponse et surtout la certitude qu’elles ont été aimées par leurs mères biologiques.

Huit ans après Chinoises, Xinran reprend un thème qui lui est cher : écrire les maux des femmes. Ici, toutes ont en commun d’être hantées par des souvenirs qui ont laissé une trace indélébile dans leur cœur : la perte d’une petite fille. Que ce soit à cause de la politique de l’enfant unique, de traditions séculaires destructrices ou de terribles nécessités économiques, des chinoises ont été contraintes de donner leurs filles en adoption, d’autres ont dû les abandonner – dans la rue, aux portes des hôpitaux ou sur des quais de gare. A d’autres, on a enlevé leurs petites filles à peines nées pour les noyer.

Ces histoires de femmes sont dures, bouleversantes, révoltantes. Elles bousculent nos entrailles, prennent aux tripes. On comprend que l’auteur ait eu besoin de temps pour trouver les mots et la force de raconter. C’est en 1989, alors qu’elle parcoure son pays en tant qu’animatrice radio, que Xinran a commencé à rencontrer ces chinoises obligées d’abandonner leur enfant. Vingt ans plus tard, Messages de mères inconnues est publié.

Ces messages, en dénonçant une coutume profondément ancrée en Chine : l’élimination ou l’abandon des bébés filles, s‘adressent à nous toutes. La pratique est révoltante, ses conséquences sur l’équilibre démographique désastreuses : aujourd’hui, des milliers d’hommes chinois doivent chercher une épouse au-delà des frontières. Pourtant, pas un mot sur cette pratique. La population chinoise conserve d’ailleurs une certaine pudeur à l’évoquer : on ne tue pas les bébés filles, on les « arrange ». Et quand elles ont la chance de survivre, elles finissent au mieux à l’orphelinat où elles grandissent donc, souvent dans des conditions déplorables. En 1992, le gouvernement chinois autorise l’adoption des enfants chinois à l’étranger ; leur situation s’améliore. De nombreux orphelinats sont réhabilités afin de montrer aux Occidentaux que les enfants sont bien traités et en bonne santé. Cela fonctionne. A la fin de l’année 2007, le nombre d’orphelins chinois adoptés dans le monde entier s’élevait à 120 000. Presque tous étaient des filles.

Mais pourquoi la Chine compte-t-elle autant d’orphelines ? Dans les années 1990, les jeunes chinois passèrent directement d’une société encore dominée par les principes moraux traditionnels à l’adoption de mœurs sexuelles occidentalisées. La plupart n’avait pratiquement reçu aucune éducation sexuelle ni conseils en la matière. Le choc fut brutal. Nombreuses étaient les jeunes filles qui ne connaissaient rien à la contraception, ni même la manière dont on faisait les bébés. Beaucoup d’étudiantes tombèrent donc enceintes, pratiquement aucune n’a gardé le bébé.

Mais cette perte d’un bébé les affecta souvent au plus profond d’elles-mêmes. Meurtries, anéanties, beaucoup se suicidèrent, en particulier les paysannes, en ingérant des pesticides. Une pratique courante à en croire un rapport des Nations unies daté de 2002 plaçant la Chine au premier rang pour le nombre de suicides chez les femmes ; les pesticides était le moyen le plus utilisé.

Pourtant, l’article 22 de la loi sur la population et la limitation des naissances de la République populaire de Chine promulguée le 29 décembre 2001 stipule bien que « la discrimination et les mauvais traitements infligés aux femmes qui mettent au monde des enfants de sexe féminin ou qui sont atteintes de stérilité sont interdits. La discrimination, les mauvais traitements et l’abandon des bébés de sexe féminin sont interdits ». Reste à faire changer les mentalités.

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