Littérature irlandaise

Ce qui caractérise les autrices irlandaises de la seconde moitié du 20e siècle, c’est leur combat pour l’émancipation, les droits des femmes, la liberté. Leurs romans, souvent fortement autobiographiques, rendent compte d’une Irlande catholique et conservatrice.

Bien que les femmes aient obtenu des droits de vote égaux entre hommes et femmes en 1922, au moment de l’Indépendance, les dix années qui suivent marquent un recul des droits des Irlandaises. De nouvelles lois sont votées, empêchant les femmes de rejoindre un jury, de travailler après le mariage et dans l’industrie. La contraception, le divorce et l’avortement sont alors illégaux.

Il faut attendre 1979 pour que la vente de contraceptifs sur ordonnance soit autorisée. Après l’avoir rejeté une première fois en 1986, les électeurs irlandais se prononcent en novembre 1995 en faveur de la légalisation du divorce par une faible marge de 0,6% (50,3%-49,7%). L’Irlande devient le dernier pays européen à légaliser le divorce. Ce n’est qu’en 2018 que l’IVG est enfin légalisée, après avoir fait voter les Irlandais six fois par référendum !

Edna O’Brien (1930-)

Née dans un milieu rural et conservateur, Edna O’Brien grandit entre une mère pieuse et autoritaire et un père alcoolique et violent. Elle obtient en 1950 son diplôme en pharmacie. Mais c’est la lecture, notamment le livre Portrait de l’artiste en jeune homme de James Joyce, qui lui confirme sa vocation : consacrer sa vie à la littérature.

En 1952, elle épouse, contre l’avis de ses parents, l’écrivain irlando-tchèque Ernest Gébler. Le couple s’installe à Londres. Ils auront deux fils, Carlos et Sasha, avant de se séparer en 1964.

Elle publie son premier livre, Les Filles de la campagne (The Country Girls) en 1960, première partie d’une trilogie romanesque comprenant aussi The Lonely Girl (1962) et Girls in Their Married Bliss (1964). Peu après leur publication, ces livres sont interdits en Irlande et, dans certains cas, brûlés, en raison de la description explicite de la vie sexuelle de leurs personnages.

En 2009, elle reçoit, pour l’ensemble de son œuvre, le Bob Hughes Lifetime Achievement Award.

Crépuscule irlandais

II faudra un long chemin à Eleanora pour comprendre la vraie nature de sa mère, Dilly, qui pour elle avait toujours représenté le poids de la morale et de la tradition. Dilly avait eu beau vouloir dans sa jeunesse échapper à son destin de fille d’Irlande, elle était revenue au pays, résignée, et s’était mariée, après sa tentative avortée de fuite aux États-Unis. Sa fascination pour New York, son premier travail comme bonne à tout faire, et puis le rêve qui tourne court et, dès son retour, l’installation à Rusheen, cette campagne perdue où elle a vécu la majeure partie de sa vie : elle a tout le temps de se les remémorer dans l’hôpital de Dublin où elle attend un diagnostic. Agée et malade, elle ne désire plus qu’une visite de sa fille, à qui elle n’a jamais cessé d’envoyer des lettres aimantes et fascinées.

Eleanora, elle, a fui très jeune pour Londres l’étouffante campagne irlandaise. Elle y est désormais célèbre et détestée pour ses romans sulfureux. Quand enfin elle se rend au chevet de sa mère, c’est en coup de vent : elle prétexte un rendez-vous, et part retrouver un amant. Dans sa précipitation, elle oublie son journal intime… Quand elle s’en aperçoit, sa panique est vaine : la vie affranchie et passionnée qu’elle y consigne a sans doute tendu à sa mère un troublant miroir où celle-ci a pu reconnaître l’ombre de ses désirs passés. Eleanora découvrira, trop tard, la dimension de l’amour que lui vouait Dilly. Un roman tumultueux et enfiévré de l’amour maternel.

Edna O’Brien, Crépuscule irlandais, 10/18, 2012.

Girl

Écrivant à la première personne, Edna O’Brien se met dans la peau d’une adolescente enlevée par Boko Haram. Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle son rapt, en compagnie de ses camarades de classe ; la traversée de la jungle en camion, sans autre échappatoire que la mort pour qui veut tenter de sauter à terre ; l’arrivée dans le camp, avec obligation de revêtir uniforme et hijab. La faim, la terreur, le désarroi et la perte des repères sont le lot quotidien de ces très jeunes filles qui, face aux imprécations de leurs ravisseurs, finissent par oublier jusqu’au son de leurs propres prières.
Mais le plus difficile commence quand la protagoniste de ce monologue halluciné parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eu d’un de ses bourreaux.

Edna O’Brien, Girl, Sabine Wespieser, 2019.

Lire aussi Girl, le chant déchirant d’une lycéenne enlevée par Boko Haram

Nuala O’Faolain  (1940 – 2008)

Née à Dublin en 1940, Nuala O’Faolain révèle son talent d’écrivain en 1996 en publiant On s’est déjà vu quelque part ?, récit autobiographique de plus de trois cents pages qui à l’origine devait être une simple préface à l’édition de ses chroniques dans le Irish Times.

Nuala O’Faolain y raconte une enfance difficile et bohème, au milieu d’une fratrie de neuf, entre un père absent, brillant journaliste hantant les nuits de Dublin, et une mère romantique et désespérée qui se réfugiait dans l’alcool.

Après des études de littérature et divers métiers, Nuala O’Faolain devient productrice de télévision puis journaliste, à Londres d’abord pour la BBC, et à Dublin. Son premier livre, par son phénoménal succès – notamment aux états-Unis – et le phénomène d’identification qu’il a suscité auprès de toute une génération de femmes, a changé sa vie, qu’elle a alors consacrée à l’écriture.

Tous ses livres ont été publiés en français par Sabine Wespieser, à qui elle a confié la gestion de ses droits : On s’est déjà vu quelque part ? (2002) ; Chimères (2003) ; J’y suis presque (2005) ; L’Histoire de Chicago May (prix Femina étranger 2006) ; Best Love Rosie (2008) et Ce regard en arrière (2011), un recueil de ses écrits journalistiques.

Nuala O’Faolain a été l’une des figures du féminisme irlandais dans les années 70.

Chimères

Avec Chimères, son premier roman, écrit après le succès de son autobiographie, On s’est déjà vu quelque part ?, Nuala O’Faolain confirme son talent de conteuse. Quand elle s’empare du destin de Kathleen de Burca, rentrée en Irlande pour enquêter sur une affaire d’adultère survenue au 19e siècle, elle fait resurgir de sa conscience d’Irlandaise opprimée des tragédies intimes ou historiques, en même temps qu’elle évoque les questions lancinantes de l’exil, de la solitude, de la sexualité et des chimères de l’amour. Parce que la passion est la grande affaire de sa vie, Kathleen veut écrire sur le scandale que suscita, peu après la grande famine, la liaison entre une aristocrate anglaise et son palefrenier irlandais. Mais ses recherches la confrontent insidieusement à son propre passé : dans un va-et-vient entre l’Irlande de 1850 et celle de son enfance, elle met en lumière les fatalités de l’histoire, bien loin de découvrir les recettes de l’amour romantique. Ce roman invite à un voyage réel dans une Irlande que la narratrice a quittée pour échapper au malheur familial et qu’elle réapprend à l’écoute de joies simples, d’êtres apaisants et d’une nature enchanteresse. C’est aussi un voyage au cœur de l’identité d’une femme d’aujourd’hui, la bouleversante Kathleen de Burca.

Nuala O’Faolain, Chimères, 10/18, 2006.

Maggie O’Farrell (1972-)

Née en Irlande du Nord, Maggie O’Farrell a grandi au pays de Galles et en Écosse. Journaliste littéraire, elle publie son premier roman, Quand tu es parti, en 2000. Forte de ce succès, elle décide de consacrer uniquement à l’écriture.

Quand tu es parti

Nul ne sait ce qu’a vu Alice, ce matin-là, en arrivant à la gare d’Édimbourg, et qui l’a bouleversée au point de repartir immédiatement pour Londres. Au point, quelques heures plus tard, de vouloir mourir.
Tombée dans un profond coma, au gré des flottements de sa conscience, la jeune femme se souvient : de l’amour fou avec John, un journaliste, fils d’un juif intégriste qui l’a renié ; de l’étrange enfant, puis de l’adolescente fragile et rebelle qu’elle a été ; de l’affection d’Elspeth, sa grand-mère, et des heurts avec sa mère, Ann, beauté froide et énigmatique.
Et, tandis que la famille guette le moindre signe d’espoir, Ann est elle aussi rattrapée par le passé ; la genèse de ce drame affleure…

Servi par une prose limpide et incisive, Quand tu es parti explore la complexité des liens familiaux et affectifs, les terreurs qui vont de pair avec l’amour, mais aussi la déception, le deuil, et les effets pervers du mensonge. Premier roman de Maggie O’Farrell, paru en 2000, une œuvre lumineuse et sensible, à redécouvrir.

Maggie O’Farrell, Quand tu es parti, 10/18, 2003.

L’étrange disparition d’Esme Lennox

À Édimbourg, l’asile de Cauldstone ferme ses portes. Après soixante ans d’enfermement, Esme Lennox va retrouver le monde extérieur. Avec comme seule guide Iris, sa petite-nièce, qui n’avait jamais entendu parler d’elle jusque-là. Pour quelle étrange raison Esme a-t-elle disparu de la mémoire familiale ? Quelle tragédie a pu conduire à son internement, à seize ans à peine ? Toutes ces années, les mêmes souvenirs ont hanté Esme : la douceur de son enfance en Inde, le choc de son arrivée en Écosse, le froid, les règles de la haute bourgeoisie et, soudain, l’exclusion… Comment sa propre sœur, Kitty, a-t-elle pu cacher son existence à ses proches ? Et pourquoi Iris se reconnaît-elle tant dans Esme ? Peu à peu, de paroles confuses en pensées refoulées, vont ressurgir les terribles drames d’une vie volée…

Maggie O’Farrell, L’étrange disparition d’Esme Lennox, 10/18, 2009.

Cette main qui a pris la mienne

Lexie a accompli son rêve : rejoindre Londres pour y devenir journaliste. Insolente, sûre d’elle, la jeune femme évolue triomphalement dans le fougueux Soho des sixties, menant de front sa vie professionnelle et de mère célibataire. Jusqu’au jour où le destin se rappelle à elle…

Quarante ans plus tard, Elina, une jeune artiste d’origine finnoise, vient de mettre au monde son premier enfant. Un accouchement qui a failli lui coûter la vie et dont le souvenir obsédant menace de détruire son couple.
Car depuis la naissance, son mari Ted se comporte de façon très étrange, comme si son inconscient se réveillait d’un profond sommeil. En quête désespérée d’une main qui le guiderait à travers les zones d’ombre de son enfance, Ted va mettre au jour un terrible secret. Un secret qui unit intimement Lexie et Elina…

Récompensé par le très prestigieux Costa Book Award, un somptueux roman, bouleversant et sensible, où s’entremêlent des voix aussi émouvantes que troublantes pour évoquer les relations maternelles, la force des liens du sang et le pouvoir destructeur des non-dits.

Maggie O’Farrell, Cette main qui a pris la mienne, 10/18, 2013.

I am I am I am

Des dix-sept instants où elle a senti la mort se rapprocher, des dix-sept instants où elle l’a frôlée, Maggie  O’Farrell en fait une œuvre poétique et anatomique. A chaque chapitre, une partie du corps, une date, qui correspondent à un moment où Maggie O’Farrell a eu affaire avec la mort.

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Maggie O’Farrell, I am I am I am, 10/18, 2020.