Représentations et images du féminin

Christine Bard, Ce que soulève la jupe, Autrement, 2010.

Alors que la jupe a longtemps été subie et vécue comme l’attribut d’une féminité imposée, elle est aujourd’hui reconquise par les femmes, mais aussi par les hommes. Symbole des stéréotypes de genre pour les uns, symbole d’une libération nouvelle pour les autres.

Le Girl Power, Ni putes ni soumises, le Printemps de la jupe et du respect sont autant de manifestations d’une mutation à l’œuvre : la jupe est-elle forcément le signe de la soumission à l’ordre masculin ? Pour résister à la stigmatisation et au sexisme, pourquoi certaines filles choisissent-elles la jupe, et d’autres le pantalon ? Que penser des pressions diverses pour contrôler, voire réglementer le vêtement à l’école, au travail ou dans l’espace public ? Et que dire de la jupe pour homme ? Provocation pure et simple, ou désir d’égalité entre les sexes ? Identités, transgressions, résistances…

La jupe est à l’évidence au cœur des débats sur les identités de genre. Vêtus d’un tailleur, d’une mini, d’une jupe punk ou d’un kilt, les enfants et petits-enfants de Mai 68, garçons et filles, qu’ils soient hétéros, homosexuels ou transgenres, réinventent le port de la jupe, pour séduire, provoquer, pour cacher ou pour montrer…

Christine Bard, Une histoire politique du pantalon, Seuil, 2010. 

Successeur de la culotte, le pantalon symbolise la masculinité et, partant, le pouvoir, comme en témoigne le dicton  » porter la culotte « . Au cours de la Révolution, il se charge d’une signification plus précise en exprimant les valeurs républicaines et devient un élément clé du nouvel ordre politique. Mais l’Ancien Régime continue pour les femmes, qui, sur le plan tant vestimentaire que social, n’accèdent ni à la liberté ni à l’égalité. Privées de droits, assignées à résidence dans leur genre, elles sont interdites de pantalon. Rien de tel qu’un interdit pour susciter le désir…

Surchargé de fantasmes, le pantalon accompagne toutes les transgressions qui jalonnent la route de l’émancipation des femmes. Artistes, féministes, révolutionnaires, voyageuses, actrices, lesbiennes, sportives, innombrables sont les femmes connues et inconnues qui s’approprient l’habit masculin.

Il faut attendre les années 1960-1970 pour que le pantalon soit féminisé et devienne un vêtement mixte. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Pourquoi l’ordonnance de 1800 interdisant aux femmes de s’habiller en homme n’est-elle toujours pas abrogée ? Pourquoi les collégiennes ne portent-elles plus que des pantalons ? Pourquoi une  » journée de la jupe  » ? L’actualité des questions de sexe et de genre gagne à être située dans l’histoire longue de la peur de la confusion des rôles et de la contestation du pouvoir masculin.

Mona Chollet, Beauté fatale, Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, La découverte, 2012.

Soutiens-gorge rembourrés pour fillettes, obsession de la minceur, banalisation de la chirurgie esthétique, prescription insistante du port de la jupe comme symbole de libération : la « tyrannie du look » affirme aujourd’hui son emprise pour imposer la féminité la plus stéréotypée. Décortiquant presse féminine, discours publicitaires, blogs, séries télévisées, témoignages de mannequins et enquêtes sociologiques, Mona Chollet montre dans ce livre comment les industries du « complexe mode-beauté » travaillent à maintenir, sur un mode insidieux et séduisant, la logique sexiste au cœur de la sphère culturelle. 
Sous le prétendu culte de la beauté prospère une haine de soi et de son corps, entretenue par le matraquage de normes inatteignables. Un processus d’autodévalorisation qui alimente une anxiété constante au sujet du physique en même temps qu’il condamne les femmes à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, les enfermant dans un état de subordination permanente. En ce sens, la question du corps pourrait bien constituer la clé d’une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences à celle contre les inégalités au travail.

Mona Chollet, Sorcières, La puissance invaincue des femmes, La Découverte, 2018

Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l’Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ? Ce livre en explore trois et examine ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante — puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant — puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.