Deux ans… C’est le temps qu’il reste aux dirigeants des moyennes et grandes entreprises pour répondre aux exigences posées par la Loi Copé-Zimmermann qui impose de féminiser les Conseils d’administration à hauteur de 40 %. Un véritable défi quand on estime à plusieurs milliers le nombre de femmes qui devront obtenir un mandat d’administrateur d’ici 2017. Pour y répondre, le Cabinet de recrutement Leyders Associates a lancé il y a un an « Femmes au cœur des conseils ». Décryptage de cette démarche innovante et engagée avec Lucille Desjonquères, Directrice générale et Michel Dumont, Président de Leyders Associates.
Comment est né le projet « Femmes au cœur des conseils » ?
C’est dans un restaurant en novembre 2013, lors d’une discussion avec un ami Président d’une société, qui nous faisait part de sa difficulté à trouver des femmes pour son Conseil d’administration. La loi Copé-Zimmermann entrait en vigueur deux mois après, et nous sentions poindre dans nos esprits la possibilité d’embrasser un projet intéressant. Notre ami insistait : la démarche est chronophage et chacun court après le temps, où trouver les bonnes candidates rapidement… des réseaux de femmes émergent mais lesquels choisir ? Profiter de ce changement de gouvernance est une nouvelle opportunité de valeur mais comment ne pas se tromper sur un sujet aussi important. C’est à cet instant que l’idée nous est venue de créer un vivier multi compétences que nous proposerions aux dirigeants concernés.
Qu’avez-vous fait alors ?
Il nous fallait agir rapidement, être créatifs, différents, novateurs pour apporter une solution immédiate à des dirigeants déstabilisés par une phase de changement de cette importance. Et nous voilà partis à la rencontre des femmes éligibles à un mandat d’administrateur pour évaluer les motivations et la légitimité des unes et des autres. Et oui, elles étaient à la fois légitimes et motivées, sans aucune hésitation ! La plupart de ces femmes, compétentes, étaient plus qu’aptes à intégrer des Conseils, il fallait les aider. Questionnés sur cette approche, des clients concernés nous encourageaient dans cette voie. Femmes au cœur des conseils venaient de naître…
Comment avez-vous constitué ce vivier de candidates ?
Nous sommes « chasseur de tête », ne l’oubliez pas, et c’est notre expertise que d’identifier et approcher les personnes talentueuses. Nous les avons rencontrées, validées dans de nombreux cas et elles nous ont donné accès à d’autres femmes. Puis la bouche-à-oreille a fonctionné. En un an, nous avons rencontré 300 candidates ! Nous avons vraiment tenu à échanger avec elles, autant sur leur savoir-être que sur leur savoir-faire. C’est ça aussi la marque de fabrique de « Femmes au cœur des conseils ». Empiler des CV, ce n’est pas suffisant et cela ne correspond pas à nos valeurs.
Qu’ont-elles en commun ces 300 femmes ?
La bienveillance et la solidarité. Une grande humilité aussi. Il y a également chez elles la volonté de s’enrichir intellectuellement et de s’acculturer à des terreaux différents, quitte à sortir de leur zone de confort. Toutes ces femmes sont prêtes à prendre des risques. Proposez à une femme de rejoindre le Conseil d’administration d’une start-up qui vend des plantes vertes sur internet alors qu’elle est cadre dirigeante dans une grande compagnie industrielle par exemple, elle vous dira oui ! Enfin, nous pensons aussi que pour ces femmes, entrer dans un Conseil, c’est un aboutissement, une consécration.
Qu’est-ce qui vous a étonné chez ces femmes ?
Nous avions la certitude que ces femmes carriéristes n’avaient pas ou peu d’enfants. Or, en fait elles en avaient bien souvent trois ou quatre et parvenaient à équilibrer leurs vies professionnelle et personnelle. Une étude américaine a d’ailleurs montré récemment que les femmes ayant deux enfants ou plus seraient plus productives au travail, et donc plus performantes. De quoi malmener quelques idées reçues. Mais attention, ces femmes ont également des conjoints impliqués dans la vie familiale. Beaucoup de femmes ne pensaient pas être éligibles à un mandat, se considérant trop jeunes ou pas assez expérimentées. Et à la fin de nos échanges, elles nous disaient « Je ne savais pas que je pouvais ».
Y a-t-il eu une rencontre marquante ?
Oui. Il y a une femme qui nous a beaucoup marquée. Ingénieure, elle est restée plus de dix ans chez un leader du conseil en stratégie, y a été élue femme la plus talentueuse. A l’âge de 35 ans, elle a eu une épreuve de vie familiale très dure et elle s’est dit « Je n’ai plus envie de mettre mon talent au service d’entreprises mais au service de causes humanitaires ». Elle a quitté son employeur et depuis quelques années elle lance des projets humanitaires dans le monde entier. Il faut une grande force de caractère.
Quels conseils donneriez-vous à une femme qui souhaite obtenir un mandat d’administrateur ?
De venir nous voir ! De se faire coacher aussi. Nous avons identifié d’excellents coachs qui permettent d’établir un équilibre entre les valeurs du masculin et du féminin ; c’est très important pour adopter immédiatement la bonne posture. Une femme qui obtient un mandat pour la première fois doit être préparée pour son premier Conseil d’administration. C’est une étape très importante qu’il ne faut rater. Elles peuvent se former en suivant une formation à l’IFA qui met l’accent sur les outils, les connaissances, les compétences et les comportements que tout administrateur doit posséder pour exercer son mandat. Il y a également le programme de formation conçu par l’ESSEC, « Women Be European Board Ready » pour aider les femmes à prendre leur place au sein des conseils d’administration, sans oublier l’Association des dirigeants et administrateurs d’entreprises (ADAE), présidé par Daniel Corfmat, un de nos partenaires.
Pour atteindre la mixité au sein des instances de gouvernance, le système des quotas est-il indispensable selon vous ?
C’est bien dommage d’en arriver là mais c’est très utile aussi. C’est un mal nécessaire. Dans quelques années, ce sera un non sujet de mettre des femmes dans les Conseils d’administration, ou dans les Comex. Aujourd’hui, nous devons faire bouger les choses. Les pays nordiques qui ont adopté le système des quotas ont d’ailleurs des retours très positifs. Les quotas encouragent à la diversité. En faisant entrer des femmes au sein des Conseils, on ouvre également le champ à d’autres compétences : les RH, les juristes, le digital, la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), etc.
En tout cas, parmi les dirigeants que nous avons rencontrés pour leur présenter le projet, tous nous ont très bien accueillis. Beaucoup sont conscients que la mixité peut devenir une force, un facteur de performance pour leur entreprise. Le temps où les chefs d’entreprise plaçaient leur sœur, leur tante… au sein des Conseils pour pouvoir prendre les décisions stratégiques seul semble révolu.
Comment allez-vous faire pour rencontrer toutes les entreprises de taille intermédiaire (ETI), fondations, fédérations, filiales de grands groupes en si peu de temps ?
C’est bien à cet endroit que se trouve la puissance de nos actions car nous rencontrons toutes les entreprises assujetties à la loi ou pas (les start-up ont besoin de compétences majeures extérieures également) avec des cadres supérieurs au chômage. Un bon moyen pour eux d’avoir une mission attractive, de toucher des honoraires, d’aider à la féminisation des conseils d’administration et d’avoir un bon prétexte pour rencontrer des Présidents susceptibles de les embaucher ultérieurement.
Quels sont vos projets ?
Pendant un an, nous avons construit les fondations. Notre enjeu aujourd’hui : ne pas décevoir les femmes que nous avons rencontrées, et donc leur trouver des mandats. S’ouvrir à l’international également. Dernièrement, c’est un réseau de 100 femmes qui ont fait Stanford qui m’a contactée en plus d’un réseau de 300 américaines et européennes ; elles veulent aujourd’hui être dans le vivier. Nous allons également pousser nos françaises à aller au-delà de nos frontières.
Nous allons évidemment continuer d’enrichir notre communauté de candidates et multiplier les occasions de rencontre à Paris comme en Province où officient de nombreuses femmes très talentueuses. Nous allons par exemple donner une conférence au Forum de la mixité qui a lieu le 1er décembre prochain.
Nous continuerons à soutenir également le fonds de dotation Ereel avec l’action Souffle de Violette qui permet d’apporter un soutien concret à des femmes malades du cancer et d’autres en grande précarité professionnelle. Sur chaque mandat, 1000 € sont reversés à Ereel soulignant ainsi une action de femmes pour les femmes.
En somme, avec « Femmes au cœur des Conseils », vous aidez la cause des femmes, vous donnez des missions à des demandeurs d’emploi, vous aidez financièrement les femmes en grande précarité et vous apportez des gains à votre cabinet, c’est bien cela ?
Absolument. Sans oublier qu’un tel apport de compétences et de valeurs va contribuer à un nouvel essor des sociétés. Du win/win à tous les niveaux…
En savoir plus sur « Femmes au coeur des conseils« , démarche créée par Leyders Associates.
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