« J’ai porté dix ans le voile. C’était le voile ou la mort. »

« J’ai porté dix ans le voile. C’était le voile ou la mort. Je sais de quoi de je parle. » Ce sont les premiers mots du livre Bas les voiles ! de Chahdortt Djavann, publié il y a plus de dix ans en France. Des mots qui résonnent aujourd’hui encore alors que la journaliste Masih Alinejad, à l’origine du mouvement « libertés furtives des femmes iraniennes » est menacée de mort.

Le voile, Chahdortt Djavann, a commencé à le porter en 1980 sous l’impulsion de Khomeiny qui le rend obligatoire. Elle n’a alors que 13 ans. Onze plus tard, elle décide de quitter l’Iran et arrive à Paris en 1993, après deux ans passés à Istanbul. Ne parlant pas un mot de français, Chahdortt Djavann entame alors des études à l’Alliance française et à la Sorbonne ; pour survivre, elle fait en parallèle de petits boulots.

Dix ans plus tard, elle publie Bas les Voiles !, texte court – une cinquantaine de pages –, en plein débat sur l’application du principe de laïcité à l’école. Elle dénonce les complaisances de certains milieux intellectuels face aux propagandistes de « l’identité par le voile ». L’essayiste écrit : « Peuvent-ils me répondre, ces intellectuels ? Pourquoi voile-t-on les filles (…) ? Pourquoi cache-t-on leur corps, leur chevelure ? Que signifie réellement voiler les filles ? Qu’est-ce qu’on essaie de leur inculquer, d’instiller en elles ? Car au départ, elles n’ont pas choisir d’être voilées. On les a voilées. Et comment vit-on, habite-t-on un corps d’adolescente voilée ? »

Ce pamphlet, elle a eu l’idée de l’écrire à la suite d’une promenade parisienne : à la vue d’une famille dont la mère et les deux fillettes sont voilées, elle est choquée de la « barbarie religieuse » sur un sol démocratique. Prenant le contre-pied des partisans du voile qui parlent de « respect » et de « pudeur », Chahdortt Djavann s’étend longuement sur la signification sexuelle du voile : « le port du voile met l’enfant ou la jeune adolescente sur le marché du sexe et du mariage, la définit essentiellement par et pour le regard des hommes ». Elle réserve l’essentiel de son argumentaire aux intellectuels musulmans : « le voile parce que je le vaux bien », telle est la substance publicitaire du message qu’ils font passer, selon l’auteur. Enfin, elle en appelle « au bon sens et à la responsabilité » des Français et immigrés originaires des pays musulmans, des intellectuels et des « personnes de bonne volonté », des femmes, musulmanes ou non, mais aussi des pères musulmans pour exiger une législation interdisant le port du voile aux mineures.

C’est justement cette exigence qui vaut à Chahdortt Djavann un accueil décevant de la part de la commission Stasi à l’époque. Elle ne craint pas de sortir le débat sur le voile de ses limites scolaires et, dépassant la question de la laïcité, c’est « au nom de la protection des mineures » qu’elle réclame une loi épargnant le voile aux enfants de moins de 18 ans. Elle déclare : « Le voile c’est l’oppression de la femme, la discrimination, une maltraitance au même titre que l’excision ! ». Sa demande que « le port du voile soit considéré comme un acte de maltraitance physique, psychique, sociale et sexuelle » a suscité agressivité, condescendance et peu d’intérêt de la part des membres de la commission.

Celle pour qui « le voile, avant tout, abolit la mixité de l’espace et matérialise la séparation radicale et draconienne de l’espace féminin et de l’espace masculin, ou plus exactement il définit et limite l’espace féminin », n’aura pas été entendue.