Taslima Nasreen, une femme d’Orient

En exil depuis près de vingt ans, Taslima Nasreen, « écrivain bangladaise forcée de vivre en dehors du Bangladesh », était de passage à Blois lors des 14e Rendez-vous de l’Histoire. Femme engagée, elle est revenue sur son exil, son amour des mots et son combat pour l’émancipation des femmes et contre les fondamentalismes. Portrait.

« Je pense que les femmes sont opprimées à cause de la religion, de la tradition, des cultures, des coutumes. Je pense que les hommes ont peur du pouvoir des femmes. Dans beaucoup de pays, pour les hommes, le féminisme c’est la haine des hommes mais il ne s’agit pas de haïr les hommes ou d’être meilleures qu’eux, il s’agir d’être leurs égales ». Derrière ces mots, Taslima Nasreen, femme engagée, qui était de passage à Blois le week-end dernier pour les Rendez-vous de l’Histoire.

Car c’est avec les mots que Taslima Nasreen se bat au quotidien pour l’émancipation des femmes et contre l’oppression des minorités religieuses. Née en 1962 au Bangladesh, fille d’un médecin progressiste et laïque d’origine hindoue, deux fois divorcée et sans enfants, Taslima Nasreen s’est très tôt révoltée contre les interdits infligés aux femmes au nom de la tradition et de l’Islam, déclarée religion d’Etat en 1988.

Dès l’âge de 14 ans, elle commence à écrire, notamment des poèmes. Ses études, puis la pratique de la médecine, n’affaibliront jamais son plaisir et son besoin d’écrire. Quand elle commence à exercer en tant que gynécologue en 1986, elle est déjà consciente de l’oppression dont sont victimes les femmes et les minorités non-islamiques. Refusant le silence, elle publie en 1993 LajjaLa Honte – son premier livre : un roman-document contre tous les « fondamentalismes », d’où qu’ils viennent. Pour avoir écrit ce livre, best-seller en Inde et largement diffusé au Bangladesh malgré la censure qui le frappe, Taslima Nasreen est accusée d’atteinte à la religion par la justice de son pays, sa tête est mise à prix et ses livres sont brûlés en place publique.

En danger de mort, elle obtient en 1994 un visa pour l’exil ; elle s’installe en Suède. Depuis, Taslima vit dans différents endroits : Stockholm, Berlin, New York… Son pays, ses proches lui manquent. En publiant en 1998 son autobiographie, Enfance, au féminin, elle renoue avec ses racines : « Comme je continue à vivre, je ne puis faire autrement que me retourner souvent pour regarder la vie que j’ai laissée derrière moi, cette vie qui m’a faite telle que je suis. Afin de ne pas oublier qui je suis, afin de ne pas oublier ces millions des femmes, mes semblables. Afin de garder une main sur leur épaule, en leur éternelle misère, afin d’essuyer les larmes de leurs yeux. »

Taslima Nasreen tente aussi de se rapprocher du Bangladesh en s’installant à Kolkata et demande la nationalité indienne. Mais en mars 2007, sa tête est mise à prix par un groupe islamiste indien. Encore une fois, elle est forcée de fuir.

En mai 2008, elle reçoit à Paris le Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes. Elle est faite également citoyenne d’honneur de Paris le 7 juillet 2008. Depuis, elle est retournée en Inde malgré les menaces.

Si elle ne peut plus exercer son métier de médecin, une chose est sûre : Taslima Nasreen n’arrêtera jamais d’écrire. : « Je n’accepterai aucune compromission d’aucune force du mal. Je continuerai jusqu’à ma mort. Personne ne réussira à me faire taire », concluait Taslima Nasreen le 16 octobre dernier au micro de Stéphanie Duncan.

Femmes, poèmes d’amour et de combat

Taslima a publié un magnifique recueil de poèmes, Femmes, dans lequel elle évoque la condition des femmes. Elle choisit des mots simples mais puissants pour dénoncer leur inégalité face aux hommes, leur soumission dans l’amour, leur esclavage dans la société.  Ici, elle évoque ces jeunes filles défigurées à l’acide, victimes de la vengeance des hommes qui se sentent soi-disant « bafoués ».

« La fille s’approche / Le visage entièrement brûlé / Son visage n’a plus rien d’un visage / On dirait l’empreinte d’un monstre dans la boue. / Son beau visage lui a été arraché. »

Extrait du poème Sans visage