Si être féministe est dans l’air du temps, le « nous » féministe est loin d’aller de soi. Sa définition change en fonction des courants et des idéologies. Le livre de Marie-Hélène Bourcier et d’Alice Moliner vient donc à point nommé. Féminisme réformiste, abolitionniste, postconstructiviste… Un vrai casse-tête chinois. Car le féminisme, lutte contre la domination masculine, peut aussi défendre les différentes expressions de genres et de sexualités.
Après être revenue sur les trois grandes vagues du féminisme, l’auteure rappelle que « la sexualité comme espace de pouvoir et de lutte est centrale dans le féminisme ». Il n’est donc pas étonnant que la pornographie et la prostitution soient au cœur des réflexions et des actions des féministes, et ce dès la fin des années soixante-dix. Difficile d’ailleurs de s’entendre sur ces sujets comme en témoigne le débat actuel sur la prostitution.
Interrogeant également les notions de « cultures de femmes » et « cultures féministes », Marie-Hélène Bourcier revient sur les liens entre féminisme, médias et art. Elle nous rappelle aussi que le féminisme français est quelque peu à la traîne comparé à d’autres pays tels que la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. En 2012, la France fait toujours figure de mauvaise élève en matière de parité, les partis politiques préférant généralement payer les amendes que de respecter la loi votée il y a déjà dix ans.
Enfin, Marie-Hélène Bourcier propose un décryptage intéressant de la relation entre « genres » et « féminisme » à l’heure où les féministes françaises ne jurent que par le « genre » et non « les genres ». Face à un gender mainstreaming très à la mode, l’auteure s’interroge sur les effets de l’institutionnalisation du féminisme et des études dites « genre », en particulier en France où la transmission du féminisme n’a pas vraiment eu lieu. Selon elle, l’enjeu actuel du féminisme est de réduire ses effets excluants en conjurant en premier lieu son eurocentrisme et son point de vue de classe. Elle nous invite à renouer avec un féminisme affirmatif, transnational et non conformiste. Tout est encore possible en dehors d’associations parfois davantage attachées à leurs liens avec les politiques qu’à défendre les droits des femmes. Car « le féminisme n’a jamais été un long fleuve tranquille mais plutôt un road movie ». Alors continuons à nous mobiliser.
Sur le gender mainstreaming, Les Cahiers du Genre lui ont consacré un numéro. Vous pouvez consulter l’introduction en cliquant ici.