D’elles et d’ailleurs – « Le silence est l’ordinaire des femmes »

2007. Un atelier d’écriture. Le saut dans le vide. Une mise en danger. Puis, une évidence. Ecrire sur les femmes, écrire pour les femmes. Mettre des mots sur leur souffrance, leur courage aussi. Quatre années pour dire ce que vivent les femmes, ici et ailleurs, auraient pu – auraient dû – rendre caduques ce travail. Mais qu’est-ce qui a changé depuis ? Si peu de choses. Ici et là, toujours et encore, les femmes sont exploitées, sacrifiées, tuées. Et on ne les entend pas…

Le silence est l’ordinaire des femmes. « Mais on n’entend qu’elles ! », diront certains de nos contemporains[1]. Pourtant, le silence des femmes a été un commandement réitéré à travers les siècles par les religions, les systèmes politiques et les manuels de savoir-vivre. Silence en particulier dans l’espace public où leur intervention collective est assimilée à l’hystérie du cri et une attitude trop bruyante à la « mauvaise vie »[2].

Depuis un siècle, les choses ont changé en Occident. Le silence a été rompu. Le rêve des féministes du XIXe siècle est devenu réalité : l’égalité des sexes est inscrite dans les lois, à défaut d’être réellement conquise dans les faits[3]. Les femmes sont entrées en résistance, elles ont fait face à l’interdit de la parole. Elles se sont battues des deux côtés de l’Atlantique afin de conquérir le droit de vote, le droit à la contraception, à l’avortement, et plus largement à la dignité du corps féminin. Elles sont devenues des actrices de l’Histoire, de leur histoire. Mais le combat est encore loin d’être gagné. Des sujets restent tabous, honteux : le viol, la violence, l’avortement… Les femmes n’en parlent pas.

Ailleurs, la parole féminine est écartée. Maintenues dans l’ignorance, des femmes subissent encore les traditions les plus archaïques. Elles restent silencieuses et invisibles. Au nom de la coutume, de la religion, on légitime l’innommable : on soumet, on mutile, on lapide… Les femmes font peur, à tel point que souvent,  on les préfère voilées. Mais que nous diraient-elles si elles pouvaient parler, raconter ?

« La libération des femmes passe par le langage » disait Hélène Cixous. Alors mettre des mots sur les maux des femmes, c’est donner à voir l’invisible, le mal visible. C’est la possibilité de donner la parole à toutes celles qui n’ont pas le droit de dire, de briser ce silence et écrire l’oppression dont sont victimes, ici et ailleurs, les femmes.


[1] Michelle PERROT, Les femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, 1998, p. I.

[2] Michelle PERROT, Les femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, 1998, p. I.

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