La saga Barbie au Musée des arts décoratifs

Barbie. Un prénom connu dans le monde entier. Une poupée qui ne laisse personne indifférent. Alors que les féministes dénoncent les stéréotypes qu’elle véhicule, les hommes l’inviteraient volontiers à diner quand les petites filles rêvent de lui ressembler. D’elle, nous avons l’image d’une blonde écervelée, abonnée à la salle de sport et accro du shopping. L’exposition qui lui est consacrée au Musée des arts décoratifs invite à revoir son jugement. Les 700 modèles présentés nous montre à quel point la poupée Barbie fut le miroir de son temps et sut s’adapter, parfois lentement il est vrai, aux évolutions de la société.

Une naissance difficile

En 1959, l’arrivée de Barbie dans les magasins de jouets propose aux petites filles une alternative de jeu novatrice. La majorité des poupées incitent alors l’enfant à les bercer, les nourrir, les soigner alors que Barbie leur permet de se projeter dans une vie d’adulte, indépendante de la maternité ou de la vie familiale. Barbie n’est pas confinée à l’espace privé, elle a une vie sociale, elle travaille, elle est libre. Chaque petite fille peut s’imaginer à travers Barbie la vie ou les vies qu’elle souhaiterait avoir.

Barbie
La première Barbie – 1959

C’est en regardant Barbara, sa fille, jouer avec des poupées de papier que Ruth Handler eut l’idée d’une poupée d’un nouveau genre, d’une poupée en trois dimensions. Fondatrice avec son mari et Harold Matson de la société Mattel en 1945, Ruth ne parvient pas, pourtant, à convaincre l’équipe de réaliser son idée de poupée. Au cours d’un voyage en Suisse, en 1956, Ruth Handler croise le chemin de Lilli, une poupée blonde pourvue d’une garde-robe impressionnante. Lilli est un produit dérivé conçu pour le quotidien allemand Bild et représente le personnage d’une bande-dessinée populaire depuis sa parution le 24 juin 1952. Ruth récupère un modèle et la confie à son retour au directeur R&D de Mattel pour qu’il trouve, lors d’un voyage au Japon, l’usine capable de réaliser une poupée de ce type. Les équipes vont redessiner ensuite le visage et la silhouette de cette poupée selon les indications de Ruth.

Barbie, nommée d’après Barbara Handler, fait ses premiers pas à la Foire du jouet à New York le 9 mars 1959. Elle ne connaît pas le succès escompté. Pourtant, une fois en magasin, c’est le succès immédiat. Ruth, qui comptait faire fabriquer 20 000 poupées par semaine, doit tripler la production sans pouvoir pour autant satisfaire la demande avant 1962.

Barbie, miroir de son temps

Mattel a réussi à faire de Barbie plus qu’un jouet. Elle est devenue un personnage mais aussi un symbole de la société et de ses évolutions depuis 1959, notamment celle du travail des femmes. En 1959, Barbie détonne dans le paysage des poupées qui proposent à la petite fille un rôle de maman. Justement Ruth Handler souhaite faire de Barbie un modèle de jeune femme indépendante et moderne et refuse qu’elle soit mariée ou mère de famille. Elle s’inscrit donc en marge des rôles offerts aux femmes à cette époque.

barbie-jacky-kennedyDans les années 60, Barbie travaille : elle est infirmière, employée de bureau, professeur, astronaute… Barbie astronaute a d’ailleurs marché sur la Lune en 1965, bien avant Apollo 11 ! Depuis 1961, elle a eu 155 professions.  Quand elles choisissent une poupée Barbie, les petites filles ont la liberté de choisir qui elles souhaitent être. Barbie a alors pour modèle Jacky Kennedy tout comme un grand nombre d’américaines. Barbie Bubble Cut adopte en 1962 la coupe de cheveux de la première dame des Etats-Unis ainsi que ses tenues inspirées par les grands couturiers français. En 1965, Barbie est dotée de jambes pliables qui lui permettent de prendre plus de positions, suivant ainsi la libération progressive du corps.

En 1977, Barbie vit un changement majeur : elle a un nouveau corps et adopte un visage souriant et amical qui vont perdurer une vingtaine d’années. Il s’agit de Barbie Superstar qui annonce les supermodels des années 1980 et 1990. Elle possède un corps conquérant, lié à une image de féminité puissante qui domine dans les médias à cette époque. C’est également le moment où s’impose le fameux rose Barbie, répertorié par Pantone sous la nuance 219C.

En 2000, Barbie rajeunit pour mieux coller à l’air du temps. Le nouveau corps de Barbie, plus mince et juvénile, la rapproche des stars de son époque comme Britney Spears. La jeunesse devient une obsession. Parallèlement, de nombreuses poupées Barbie font référence à des films mettant Barbie en scène, très souvent dans des rôles de princesse. Si cette multiplication des Barbie princesses fait également écho à la tendance du monde du spectacle et de la mode à se tourner vers le fantastique et le merveilleux, il est dommage que ce soit désormais ce modèle qui l’emporte sur celui de la Barbie indépendante des années 60.

Barbie face aux critiques

La poupée Barbie a souvent été critiquée pour ses mensurations irréalistes auxquelles les petites filles s’identifient. Rappelons qu’à l’époque le corps de Barbie n’a pas été pensé pour être réaliste mais pour pouvoir être facilement habillé, tout comme celui des poupées de mode du 19e siècle.

En 1967, une version afro-américaine de Francie, la cousine de Barbie est commercialisée. Dans un contexte de luttes interraciales aux Etats-Unis, l’initiative est louable. C’est pourtant un échec commercial non en raison de sa couleur de peau mais parce qu’elle est vendue sous le nom de Francie, que les consommateurs avaient auparavant identifiée à un personnage blond aux yeux bleus, et que l’arrivée d’un nouveau modèle perturbait. En revanche, Christie, poupée exclusivement afro-américaine commercialisée en 1968, devient l’une des amies de Barbie les plus populaires. Teresa, l’amie hispanique, apparaît en 1988. Comme le montre l’exemple de la version afro-américaine de Francie, il est difficile pour Mattel de faire subir des inflexions d’image trop importantes à Barbie, ce qui explique que les changements ethniques sont introduits, dans un premier temps, par le biais d’amies de couleur.

Dans les années 1990, Barbie évolue et peut désormais être achetée en version afro-américaine, hispanique ou caucasienne, signe de la prise de conscience de l’importance de la diversité. Il faut néanmoins attendre 2015 et la ligne Fashionista pour que Mattel propose 23 poupées, avec 14 visages différents, 8 couleurs de peau, 18 couleurs d’yeux et 23 couleurs de cheveux. L’enfant peut désormais choisir une poupée plus proche de sa propre apparence.

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En 2016, c’est enfin la silhouette de Barbie qui se décline en 4 versions : en plus du corps déjà existant, une poupée plus petite, une plus grande et une plus ronde sont proposées. Reste une interrogation : ces nouvelles poupées parviendront-elles à détrôner la poupée Barbie le plus vendue au monde, Barbie aux cheveux allant jusqu’aux chevilles ?

Barbie, source d’inspiration

andy-warhol-barbieBarbie a inspiré de nombreux artistes comme en témoigne son portrait par Andy Warhol en 1986. Pour David Levinthal, Barbie est un sujet évident depuis le début des années 1970 époque où il photographie dans la rue une Barbie abandonnée et abîmée. Depuis 1999, ses portraits de modèles anciens mettent l’accent sur le style et l’élégance de la poupée, représentant le mode de vie des années 50 et 60 durant lesquelles le photographe a grandi. La poupée est le seul sujet de l’œuvre d’Al Carbee qui l’a mise en scène et photographiée pendant 30 ans. Quant à Olivier Rebufa, il emmène Barbie sur le terrain de l’humour.

Exposition au Musée des arts décoratifs jusqu’au 18 septembre 2016.

Source :

  • Barbie, catalogue de l’exposition Barbie au Musée des arts décoratifs.

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