Excision : où en est-on ?

130 millions. C’est le nombre de femmes dans le monde qui ont subi une mutilation génitale. Et chaque année, deux millions de filles y sont exposées, ce qui représente  6 000 excisions par jour. En 2005, l’Unicef lançait un appel aux pays concernés par l’excision pour qu’ils mettent fin à cette pratique aux conséquences catastrophiques sur la santé physique et morale des femmes. Une Journée internationale contre les mutilations génitales était instaurée. Sept ans plus tard, où en est-on ?

D’après le mythe dogon rapporté par Marcel Griaule, l’excision est la blessure efficace pour dompter le corps de la femme et lui enlever à jamais toute masculinité. Le clitoris est perçu comme l’équivalent du sexe masculin ; il s’agit donc de le faire disparaître afin de rétablir la différence des sexes et leur inégalité. Le sexe féminin, inférieur, doit se soumettre[1].

Le mythe est tenace. Aujourd’hui encore, bien qu’interdite dans de nombreux pays, l’excision est largement pratiquée, essentiellement en Afrique sub-saharienne mais aussi dans quelques régions du Proche-Orient et de l’Asie du Sud-Est (Yémen, Indonésie, Malaisie). Près de 5 % des victimes vivent dans des pays du Nord, soit plus de 6,5 millions de filles et de femmes. Elles résident principalement dans les pays européens d’immigration africaine ainsi qu’en Amérique du Nord où la proportion d’excisées est inférieure à 25 %[2].

Et ses conséquences physiques et psychologiques sont graves et durables, notamment pendant la période de procréation et tout au long de la vie sexuelle des femmes. L’excision représente d’abord un véritable danger pour la vie des petites filles. En effet, souvent pratiquée dans des conditions d’hygiènes élémentaires, elle provoque des risques de septicémie élevés, et peut donc être mortelle. Les mutilations génitales féminines rendent également douloureux les rapports sexuels, les grossesses et les accouchements. De plus, beaucoup de filles excisées sont si traumatisées après l’opération qu’elles cessent d’aller à l’école. « Or, les conséquences économiques et sociales quand les filles quittent l’école à 7 ans sont incalculables », constate Sophia Noor, présidente de l’association kényane Womankind.

Aujourd’hui, près de vingt pays comme le Sénégal, la Guinée, le Ghana ont adopté des lois contre ces mutilations mais celles-ci sont peu suivies. Seul le Burkina Faso se démarque en les appliquant réellement. Car sur le terrain, il est souvent difficile de faire prendre conscience aux populations locales que l’excision est un fléau pour l’ensemble des femmes, et de la société. D’abord, parce que cette pratique est tellement ancrée dans le culture que l’on fait croire aux filles non excisées qu’elles n’ont aucune chance de se marier, et sont donc condamner à la pauvreté. Autre idée reçue : l’excision serait imposée par la religion musulmane.

C’est donc au prix d’efforts continus et d’une grande patience que les ONG parviennent à convaincre les populations locales de stopper les mutilations génitales féminines. Au Mali, 94 % des femmes en âge de procréer sont mutilées. Et pourtant, la prévention avance à petits pas. Les organisations mènent en milieu rural des campagnes de sensibilisation auprès des personnes influentes : les griots et les exciseuses. L’argument utilisé pour les persuader de mettre fin à cette pratique : ses impacts sur la santé. Et cela fonctionne… doucement.

D’autant qu’aujourd’hui, certains ont fait de l’excision une pratique très lucrative, sapant les arguments sanitaires des ONG pour la faire reculer. On assiste depuis peu à une médicalisation des mutilations sexuelles, très rentable pour les praticiens, principalement en Egypte, au Soudan et au Kenya. Les risques d’infections supprimés, l’excision n’est désormais plus dangereuse !

 

Le GAMS fête ses 30 ans et dresse son bilan

Le 6 février journée internationale de lutte contre l’excision sera en 2012 une journée particulière pour la Fédération nationale GAMS (Groupe femmes pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles et autres pratiques affectant la santé des femmes et des enfants), qui fêtera ses 30 ans. Association loi 1901, le GAMS a été créé en 1982. Il est constitué de femmes africaines et françaises dont l’objectif est de contribuer à la disparition des pratiques traditionnelles néfastes pour la santé des femmes et des enfants, dont les mutilations sexuelles féminines, la polygamie et les mariages forcés. Son action est d’informer la population concernée de l’extrême dangerosité de ces pratiques, pour que les parents de filles décident eux-mêmes d’y renoncer. Pour lire l’interview de la sociologue Isabelle Gillette-Faye, directrice générale du GAMS, cliquez ici.

Les différents types de mutilations génitales féminines
L’Organisation mondiale de la santé classe ainsi les différents types de MGF :
  • Type I – excision du prépuce, avec ou sans excision partielle ou totale du clitoris
  • Type II – excision du clitoris, avec excision partielle ou totale des petites lèvres
  • Type III – excision partielle ou totale des organes génitaux externes et suture/rétrécissement de l’orifice vaginal (infibulation)
  • Type IV – piqûre, perforation ou incision du clitoris et/ou des petites et des grandes lèvres ; étirement du clitoris et/ou des lèvres ; cautérisation par brûlure du clitoris et du tissu avoisinant ; […] grattage […] de l’orifice vaginal ou incision […] du vagin ; […] introduction de substances corrosives ou de plantes dans le vagin pour provoquer des saignements ou pour resserrer ou rétrécir le vagin ; enfin, toute autre intervention qui répond à la définition des mutilations sexuelles donnée [par l’OMS]

Les complications et conséquences possibles des mutilations génitales féminines

  • Conséquences immédiates et à court terme : hémorragie, infection, dysfonctionnement urinaire, choc, décès
  • Conséquences à long terme : complications urinaires, formation de cicatrices, douleurs, infection, stérilité, rapports sexuels douloureux
  • Conséquences obstétriques : déchirures, infection des plaies, hémorragie post-partum, septicémie, décès
Sources :
  •  Femmes, violences et santé, Amnesty International, 2005.
  • « Quelques progrès dans la lutte contre l’excision », Courrier international, 25 nov. 2005
  • « Les mutilations sexuelles, plaies de l’Afrique », Courrier international, 8 juil. 2004
  •  « Mali – Le doux pays qui mutile ses petites filles », Courrier international, 17 juil. 2003
  • « Comment l’excision recule au Burkina Faso », par Hubert Prolongeau, Le Monde diplomatique, août 2006.
Lire aussi :

[1] BONI Tanella, Que vivent les femmes d’Afrique ?, Panama, 2008, p. 108.

[2] ANDRO Armelle et LESCLINGAND Marie, « Les mutilations sexuelles féminines : le point sur la situation en Afrique et en France », in Population et Sociétés, octobre 2007.