Pendant longtemps, parce qu’elles apparaissent moins dans l’espace public, objet majeur de l’observation et du récit, on parle peu d’elles, et ce, d’autant moins que le récitant est un homme qui s’accommode d’une coutumière absence, use d’un masculin universel, de stéréotypes globalisant ou de l’unicité supposé du genre : la femme(1). Mais depuis une quarantaine d’années, les choses ont changé. Le silence a été rompu. Les femmes sont devenues sujets et actrices de l’histoire, de leur histoire. Le mouvement de libération des femmes a surgi dans les années 1970, des silences de Mai 1968 sur les femmes. Ce mouvement a permis de conquérir le droit à la contraception, à l’avortement, et plus largement à la dignité du corps des femmes, enfin reconnues comme des individus libres de Choisir, selon le beau nom de l’association fondée par Gisèle Halimi. Ce mouvement a également développé dans son sillage un double besoin : un désir de mémoire, de retrouver les traces, les figures, les événements, les textes … ; une volonté de faire la critique du savoir constitué sur les femmes.
C’est dans cette dynamique que s’inscrit l’avortement. Pendant des siècles, cette pratique est restée cantonnée à un univers strictement privé, essentiellement, sinon exclusivement, féminin où l’acte en lui-même avait du mal à se dire. De cette période, d’ailleurs, nous n’avons pas, ou peu, de mots de femmes. L’avortement est tabou, honteux, sévèrement puni. Au sortir de la seconde guerre mondiale, on ne sait alors pratiquement rien en France sur l’avortement clandestin …l’opinion n’est pas concernée par le sujet, parce qu’on ne lui en parle pas. Le sujet est tabou, et on feint de l’ignorer. Il n’y a pas de chiffres mais on sait que beaucoup de femmes ont recours à l’avortement clandestin, quelque soit leur position sociale.
Mais le droit des femmes à disposer de leur corps finit par s’imposer au début des années 1970, entraînant avec lui un débat passionné qui aboutira au vote de la loi Veil. Le silence est alors rompu. L’avortement est libéralisé et soumis à des conditions d’application définies par le loi de 1975. On aurait pu penser que le problème de l’avortement était résolu. Pour autant, fin 1999, l’avortement est de nouveau pointé du doigt. En effet, alors que l’on s’apprête à célébrer les vingt-cinq ans de la loi Veil, c’est l’heure des constats, des premiers bilans. Rien ne va plus. Les études paraissent dans la presse, dressant un portrait négatif de l’avortement en France. On assiste à la résurgence d’un problème public, celui de l’avortement que l’on croyait « réglé ». Du mois de novembre 1999 au mois de juin 2001, l’avortement revient sur le devant de la scène, suscitant de nouveau des débats passionnés.
Pourquoi cette lancinante présence de l’avortement au sein de l’espace public ? Pourquoi, vingt-cinq ans après la loi Veil, la question de l’interruption volontaire de grossesse refait-elle surface sur la scène médiatique ?
Pour en savoir plus et lire le mémoire sur ce sujet, cliquer ici.
(1) Michelle PERROT, Les femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, 1998, p. III.
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