Quatre ans après l’adoption de la loi Copé-Zimmermann, l’heure est aux premiers bilans. Les quotas ont-ils eu des effets positifs sur la gouvernance des entreprises concernées ? Comment analyser et quantifier ces effets? Quel chemin reste-t-il à parcourir alors qu’il ne reste que dix-huit mois aux sociétés cotées et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour féminiser leur conseil d’administration à hauteur de 40 % ?
Pour y répondre, un colloque exceptionnel s’est tenu le 24 juin dernier à l’Assemblée Nationale. Présidé par Marie-Jo Zimmermann, Députée de la Moselle, il a réuni des représentants d’associations, des professeurs, un cabinet de recrutement… Bref, ceux qui agissent sur le terrain pour que les femmes trouvent leur place au sein des conseils d’administration.
25 % du CAC 40 et 17,5 % du SBF 120 ont atteint le seuil des 40 %
Analyser les effets de la loi Copé-Zimmermann suppose d’abord de compter. C’est le travail réalisé par Ethics and Boards, Observatoire international de la gouvernance des sociétés cotées. Floriane de Saint-Pierre, sa fondatrice, a partagé avec nous les derniers chiffres. A date, les sociétés du CAC 40 comptent 34,4 % de femmes dans leur conseil d’administration et celles du SBF 120 32 %, quand nous étions en 2009 à 10,7 % pour l’ensemble des sociétés cotées. Certaines ont également déjà atteint le seuil des 40 % : c’est le cas pour 25 % du CAC 40 et 17,5 % du SBF 120.
Pour atteindre les 40 %, les sociétés cotées vont devoir maintenir leurs efforts pour trouver des femmes, surtout quand on sait qu’elles ne peuvent s’appuyer en général sur leurs comités exécutifs encore très masculins. Si on considère le SBF 120, aucune femme ne cumule aujourd’hui les fonctions de CEO et de Présidente du conseil d’administration d’une même entreprise.
ETI, les mauvais élèves ?
Si les chiffres sont encourageants pour les sociétés cotées, les ETI sont à la traîne, comme l’a fait remarquer Lucille Desjonquères, Directrice générale de Leyders Associates et fondatrice avec Michel Dumont, de Femmes au cœur des Conseils. Pas moins de 100 seniors advisors ont été missionnés par Leyders Associates afin d’aller présenter à qui de droit le vivier de femmes éligibles à un mandat d’administrateur. Or, ce qu’ils ont noté pour les ETI, c’est tout d’abord une méconnaissance totale de la loi Copé-Zimmermann très peu évoquée dans les médias. Et quand ils ont bien en tête cette obligation légale, nombreux sont les patrons d’ETI non cotées qui n’ont pas conscience de la valeur que peut peur apporter l’application de la loi. « On observe clairement une résistance à une ère de changement, voire des peurs. Ces recrutement jugés chronophages sont repoussés à plus tard car fin 2016 est encore loin », précise Lucille Desjonquères. « C’est un tort, il faut responsabiliser les Présidents, et les encourager à saisir cette opportunité pour diversifier et professionnaliser leur conseil d’administration dès aujourd’hui. »
« Les CEO doivent encourager les femmes à prendre des mandats »
Brigitte Longuet, présidente de la Fédération des femmes administrateurs, créée en 2012, a rappelé le rôle des associations sur le terrain : assurer la mise à niveau de la représentation des femmes au sein des conseils d’administration et de surveillance. Par le biais d’actions de sensibilisation tels que des conférences, des petits déjeuners, la Fédération contribue à rééquilibrer les pouvoirs et les compétences. « Il faut aller voir les CEO des entreprises pour qu’ils encouragent les femmes à des fonctions exécutives à prendre des mandats », a précisé Brigitte Longuet.
La députée Marie-Jo Zimmermann a, quant à elle, insisté sur la nécessité d’identifier très tôt les jeunes femmes pouvant prétendre à occuper dans les années à venir un mandat d’administratrice. « Il y a un vivier incroyable de femmes dans les Grandes écoles françaises. Ces femmes ont un vrai potentiel ; je veux qu’on aille les chercher ». Elle a proposé de s’appuyer sur le réseau Grandes écoles au féminin.
Des femmes au conseil, ça change quoi en matière de gouvernance ?
Comprendre les effets de l’entrée des femmes au sein des conseil sur la gouvernance des sociétés : c’est l’étude menée par Darren Rosenblum, Professeur de droit à la Pace Law School, auprès des dirigeants du CAC 40.
L’arrivée des femmes au sein des conseils a eu tout d’abord plusieurs effets : les échanges entre administrateurs sont devenus plus directs et moins basés sur la confrontation, le raisonnement plus méthodique. La féminisation des conseils a également « forcé » les administrateurs à davantage approfondir les dossiers et préparer leur participation aux sessions. Les femmes sont d’ailleurs plus enclines à poser des questions quand elles ne comprennent pas un élément.
Autre élément intéressant de cette étude : l’entrée des femmes au sein des conseils n’a pas d’impact sur les décisions qui sont prises et sur la manière de gérer le risque.
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