A coup de pierres

Merci à tous ceux qui ont participé au projet de crowdfunding en faveur de l’éducation des filles. Grâce à eux, nous avons déjà atteint les 3000 euros. Ce palier franchi, je vous avais promis de publier en exclusivité un poème. Celui-ci a une résonance particulière ; c’est le premier que j’ai écrit, il y a sept ans, un soir d’octobre dans un atelier d’écriture. La pratique qu’il dénonce devrait aujourd’hui avoir disparu. Malheureusement pas.

 

En Iran,
A Téhéran,
Des bains de sang.
Sous le joug de l’arbitraire,
Des femmes meurent pour cause d’adultère
Sous une pluie de pierres.
 
Jugées pour crime
Ce sont elles les victimes.
Violées, Répudiées,
Pour les autorités,
Elles ternissent l’image de pureté
Qu’elles se doivent d’incarner.
Une seule solution,
La répression,
La mort par lapidation.
 
Une fois prononcée la condamnation,
Les hommes viennent assister à l’exécution,
Un spectacle à fortes sensations.
Les pierres sont livrées,
Leur taille calibrée.
 
Au centre du terrain
Non loin des gradins,
On creuse un trou
Pour qu’elle puisse se mettre à genou.
Les mains attachées dans le dos,
Elle s’avance au milieu du troupeau.
Enterrée jusqu’à la poitrine,
Elle reste digne,
Garde la tête haute,
Elle n’a pas commis de faute.
 
Couverte de son tchadri,
Elle retient ses cris,
Evite leurs regards féroces
Mais ne peut résister à la douleur atroce.
 
Sous les jets de pierre,
Elle baisse les paupières.
Echapper à cette souricière,
Echapper à cet enfer,
Telle est sa dernière prière.

©  ALG

 

Au nom de l’honneur. Chaque année, environ 5 000 femmes et jeunes filles sont victimes d’un crime d’honneur[1]. Une estimation certainement en deçà de la réalité dans la mesure où les décès sont en général classés parmi les accidents ou les suicides. De quoi ces femmes sont-elles accusées ? D’avoir été violées, d’avoir refusé les avances d’un homme, d’être infidèles, de demander le divorce ou tout simplement d’avoir adresser la parole à un homme ou de rentrer tard le soir.

Les femmes soupçonnées n’ont aucune possibilité de se défendre et, pour ceux dont l’honneur a été bafoué, la seule solution socialement acceptable consiste à rétablir leur honneur en les attaquant. Les hommes s’arrogent donc le droit de prendre la vie d’une femme ou de la mutiler. Les moyens mis en œuvre rivalisent de cruauté : mains coupées, brûlures, jets d’acide, armes blanches, lapidation, pendaison…

Les auteurs de ces crimes sont rarement inquiétés. Et si l’affaire va devant les juges, le verdict est d’une grande clémence envers le criminel. Ces crimes concernent un large éventail de cultures, de communautés, de religions et d’ethnies.

[1] Amnesty International souligne que les crimes d’honneur sont « une pratique ancienne consacrée par la culture plutôt que par la religion, enracinée dans un code complexe qui permet à un homme de tuer ou d’abuser d’une femme de sa famille ou de sa partenaire pour cause de « comportement immoral » réel ou supposé », portante atteinte à l’honneur d’un homme, d’une famille, d’une communauté.