Le cerveau a-t-il un sexe ?

Le cerveau a-t-il un sexe ? Quelle est la différence entre le cerveau des hommes et celui des femmes ? Des questions auxquelles répond Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l’Institut Pasteur, dans un petit livre Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ? Une lecture enrichissante qui permet enfin de dépasser les fameuses idées reçues selon lesquelles les hommes auraient davantage le sens de l’orientation que les femmes tandis que ces dernières seraient plus douées pour le langage que leurs homologues masculins. Alors, hommes, femmes, avons-nous le même cerveau ?

Pendant longtemps, la taille du cerveau a été invoquée par les médecins pour justifier que les hommes étaient plus intelligents que les femmes. Mais ça c’était avant. Depuis une quinzaine d’années, de nouvelles techniques d’exploration du cerveau sont apparues, en particulier l’IRM. On peut désormais voir un cerveau vivant en train de fonctionner. Les scientifiques ont mis à jour des propriétés extraordinaires qu’on appelle la « plasticité cérébrale » qui font que le cerveau se fabrique en permanence des circuits de neurones, en fonction de l’apprentissage et de l’expérience vécue. Rien n’est donc jamais figé dans le cerveau. Par conséquent, les vieilles idées, qui prétendent entre autres que les femmes sont naturellement plus aptes au langage ou que les hommes sont naturellement doués pour faire des maths, sont complètement caduques. Et lorsque l’on regarde deux cerveaux, impossible de deviner s’il s’agit de celui d’un homme ou d’une femme ;  il n’existe pas de traits anatomiques spéciaux qui différencient les deux sexes.

Néanmoins, sur le plan strictement biologique, les cerveaux des mâles et des femelles sont différents dans la mesure où le cerveau contrôle l’expression des comportements sexuels nécessaires à la reproduction. C’est au cours de la vie fœtale que s’effectue la « sexualisation » du cerveau. Au début de développement embryonnaire, le sexe génétique de l’embryon – XX pour les femmes et XY pour les hommes – induit la formation des organes sexuels, ovaires et testicules. Des hormones sexuelles sont alors sécrétées dans le sang du fœtus et vont ainsi pénétrer son cerveau. Cette imprégnation hormonale précoce va influencer la formation de circuits de neurones qui, plus tard, à la puberté et chez l’adulte, seront impliqués dans la physiologie des fonctions de reproduction.

L’action des hormones sexuelles fait d’ailleurs partie des arguments systématiques invoqués pour expliquer les différences comportementales entre hommes et femmes. Nos hormones influeraient sur nos « états d’âme ». Et bien non ! Les progrès récents des neurosciences permettent de mieux comprendre pourquoi l’être humain échappe à la loi des hormones. Prétendre que c’est la testostérone qui rend les hommes compétitifs et agressifs tandis que les œstrogènes rendraient les femmes émotives et sociables relève d’une vision simpliste éloignée de la réalité biologique. Si, dans un groupe social, hommes et femmes tendent à adopter des comportements stéréotypés, la raison tient d’abord à une empreinte culturelle rendue possible grâce aux propriétés de plasticité du cerveau humain. Dès notre plus jeune âge, nous sommes influencés par des modèles et des normes associés au féminin et au masculin.

D’ailleurs, le nouveau-né ne connaît pas son identité sexuée. Il va devoir l’apprendre. Les études de psychologue du développement montrent que c’est entre 2 et 3 ans que s’exprime la prise de conscience de soi en tant que garçon ou fille. Entre 3 et 5 ans, les enfants apprennent à étiqueter le sexe des autres en s’appuyant surtout sur des caractéristiques physiques (corpulence, vêtements, voix). Et à 7 ans, l’enfant sait qu’il est garçon ou fille de façon définitive.  Devenir un garçon ou une fille n’est donc pas si simple et suppose de la part de l’enfant la maîtrise d’un certain nombre de connaissances propres à son environnement culturel, qu’il va devoir articuler. Dans ce processus, l’entourage social et culturel joue un rôle majeur.

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