« J’étais une fille autrefois, c’est fini. Je pue. Couverte de croûtes de sang, mon pagne en lambeaux. Mes entrailles un bourbier ». Les premiers mots du roman d’Edna O’Brien donnent le ton à ce récit qui laisse sans voix. C’est un chant d’une rare violence, un cri magnifique !
S’inspirant de l’histoire des lycéennes enlevées par Boko Haram en 2014 à Chibok, dans le nord-est du Nigeria, Edna O’Brien se glisse dans la peau de Maryam, l’une de ces jeunes filles. Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle, comme en apnée, le rapt, la traversée de la jungle en camion, l’arrivée dans le camp, les viols et les mauvais traitements, et son mariage forcé avec un djihadiste avec pour corollaire la faim, la solitude, la terreur.
Maryam parvient à s’évader. Débute alors une longue errance avec son bébé, l’enfant qu’elle a eu en captivité. Jusqu’à ce qu’elle retrouve les siens. Une lueur d’espoir dans cette tragédie ? Malheureusement non. Devenue une fille du bush, coupable d’avoir souillé le sang de la communauté, elle est mise au ban de la société ; elle fait honte. Et pourtant, cette jeune fille d’un courage et d’une force incroyable n’abandonne pas.
C’est le portrait d’une d’héroïne, d’une combattante que dresse Edna O’Brien. On n’en attendait pas moins de l’auteure irlandaise mise au ban de son pays pour délit de liberté alors qu’elle avait à peine trente ans.
A 88 ans, la romancière est partie pour Lagos. Pendant trois ans, elle a mené l’enquête au Nigeria, rencontrant des médecins, des psychiatres, des membres d’ONG, des religieuses catholiques et surtout elle a recueilli le témoignage de jeunes filles rescapées.
Le résultat est un roman à la première personne, le témoignage de toutes ces lycéennes enlevées. Cinq ans après, une centaine d’adolescentes sont toujours portées disparues. Ce récit leur donne la parole. Pour qu’on ne les oublie pas.
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