Voilà dix ans que je n’avais pas lu Elif Shafak, autrice turque engagée, dont les livres ont été interdits dans son pays par le Président Erdogan. Je gardais un souvenir ému et troublant de La bâtarde d’Istanbul, de Bonbon Palace, de Crime d’honneur ou encore du Lait noir. Dans chacun de ses livres, Elif Shafak dresse le portrait de femmes puissantes avec en toile de fond, son pays, la Turquie. J’attendais donc beaucoup de son dernier roman, Trois filles d’Eve.
Cette fois-ci, c’est l’histoire de Peri que nous découvrons. Mariée à un riche promoteur, Peri assiste à un grand dîner dans une somptueuse villa du Bosphore. Au cours du repas, chacun commente les événements dramatiques que traverse la Turquie pendant qu’elle repense à sa jeunesse, à l’affrontement entre son père laïc et sa mère très pieuse, puis étudiante à Oxford entre ses deux amies : Shirin, Iranienne émancipée, et Mona, musulmane pratiquante et féministe. Elle se remémore aussi sa rencontre avec Azur, le flamboyant professeur de philosophie qui les a réunies.
Elif Shafak peint encore un beau portrait de femme qui a renoncé à ses rêves d’émancipation pour épouser un promoteur immobilier et s’installer dans une vie bourgeoise et protégée. Peri incarne les contradictions de la femme turque d’aujourd’hui et les impasses dans lesquelles se débat une société coincée entre tradition et modernité.
L’autrice signe également une satire violente de la bourgeoisie stambouliote comme du fanatisme religieux, également aveugles aux aspirations d’une jeunesse en quête de vérité et de liberté.
Tous les ingrédients qui font le succès des livres d’Elif Shafak sont là. Et pourtant, je ne peux pas dire que j’ai été totalement embarquée par ce livre : des longueurs, des personnes secondaires peu fouillés et une fin décevante.