Angry Brides : Facebook contre la dot indienne

Déjà plus de 530 000 « j’aime » pour le jeu « Angry Brides », lancé sur facebook en janvier dernier et inspiré du très populaire « Angry Birds ». Créé par l’agence matrimoniale indienne Shaadi.com, ce jeu propose à la jeune mariée en colère d’attaquer à coups d’escarpin,  de rouleau à pâtisserie, de fer à repasser… le fiancé réclamant une dot à sa promise. A chaque fois que celui-ci est touché, une partie du montant de la dot réclamé est versé dans un fonds virtuel « anti-dot ». Un défouloir pour les fiancées considérées comme des marchandises ? Certainement.

Mais pas seulement… Ce jeu a en effet le mérite de dénoncer une coutume indienne très ancienne : la dot, devenue une compensation pour la « charge » que les filles sont censées être pour leur nouvelle famille. Plus les parents paient, plus ils espèrent que leur fille sera bien traitée. Traditionnellement, la dot se composait de têtes de bétail, de bijoux en or, de saris de soie et de milliers de roupies en espèces. Mais, depuis quelques années, la dot connaît une inflation galopante et les belles-familles exigent désormais qu’elle comprenne des biens de consommation modernes tels qu’un téléviseur, un réfrigérateur, des téléphones portables, une voiture…

La dot est donc devenue en Inde un diktat social divisant les familles en deux catégories : la famille du marié assurée de recevoir cadeaux et argent, la famille de la mariée qui doit vendre des terres ou emprunter pour marier sa fille. On comprend mieux pourquoi les familles indiennes préfèrent, encore aujourd’hui, avoir un garçon plutôt qu’une fille, véritable charge financière.

Et pourtant, cette coutume a été déclarée illégale en Inde en 1961, parce que son coût expliquait bien des infanticides de filles et empêchait de financer leurs études. La loi d’ailleurs est drastique : elle sanctionne aussi bien les demandeurs de dot que ceux qui acceptent de la fournir. Malgré tout, la loi du silence prime.

Et depuis une quinzaine d’années, les exigences des belles-familles se sont accrues au point de mener au meurtre. En effet, même après le mariage, celles-ci continuent d’exiger cadeaux et argent et si leurs demandes ne sont pas satisfaites, elles n’hésitent pas à tuer la jeune épouse. Chaque jour, en Inde, des femmes meurent brûlées vives, le sari arrosé d’essence par leur mari. Depuis les années 1990, la police indienne a répertorié officiellement 6 000 à 7 000 décès dus à la dot chaque année ; on peut estimer néanmoins que ce chiffre est en réalité beaucoup plus élevé.

Sources :

  •  AFP
  • Bénédicte Manier, Quand les femmes auront disparu, La découverte, 2008.