Les maisons closes à la mode

Une série, Maison close, un film, L’Apollonide… Les maisons closes seraient-elles tendance ? Pour certains, assurément. Et pourtant, l’image véhiculée par le cinéma est souvent bien loin de la réalité historique, plus sordide, plus crue, plus violente.

Jacques Ouaniche leur consacrait l’année dernière une série en huit épisodes, Bertrand Bonello en a fait le sujet de son dernier film, L’Apollonide,  sorti le 21 septembre dernier. L’esthétisme de l’image, la beauté des actrices, le luxe du décor et l’ambiance décadente de la fin du 19e siècle… tout est fait pour nous séduire, voire nous fasciner. Les « putains » passent leur journée à s’apprêter, se prélasser, boire du champagne, jouer aux cartes et satisfaire les fantasmes des hommes. Ici, tout est luxe, calme et volupté, ou presque. L’enfermement, la violence, la maladie, la drogue… apparaissent de temps à autre. Et le spectateurs finit par oublier les désillusions et le désespoir de ces filles tant les tableaux sont savamment composés. A la sortie, beaucoup sont persuadés que les prostituées d’aujourd’hui seraient mieux dans des maisons closes que dans la rue, où elles sont nourries, blanchies, protégées.

Une image glamour du bordel qui influencerait l’opinion publique ? Possible…  En mars 2010, 59 % des Français se déclaraient favorables à la réouverture des maisons closes, selon un selon un sondage exclusif CSA pour Le Parisien et Aujourd’hui en France. Au même moment, Chantal Brunel, alors députée UMP de Seine-et-Marne et vice-présidente de la commission spéciale d’étude de la proposition de loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, proposait d’ouvrir des lieux dédiés à la prostitution.

Et pourtant… Dans Maison close ou L’Apollonide, nous sommes bien loin de la réalité historique, plus sordide, plus crue, plus violente. D’autant que la série comme le film nous font pénétrer dans des établissements de luxe où prostituées et clients sont triés sur le volet, en référence au Chabanais et au One two two, maisons aux visiteurs illustres tels que le futur Edouard VII, Guy de Maupassant ou encore Alexandre Stavisky. Ailleurs, les prostituées s’entassent dans des maisons d’abattage minables, sans intimité ni hygiène. Les passes sont minutées et fixées à 70 par jour minimum ; les filles reversent une grande partie de leur salaire à la tenancière et s’endettent pour acheter vêtements, linge, produits d’hygiène …

Une réalité qui n’échappe pas à certains. Pointées du doigt, les maisons closes sont fermées à Strasbourg en 1926, quatre ans plus tard à Grenoble. Néanmoins, pendant la Seconde guerre mondiale, elles vont accueillir à Paris membres de l’armée et de la Gestapo. Le champagne y coule à flot et la nourriture ne manque jamais. Si bien qu’en 1945, l’opinion publique est défavorable à ces lieux de plaisirs et d’abondance. Une femme va en faire son combat.

Le 13 avril 1946, la loi Marthe Richard consacre la fermeture des maisons de tolérance. Cette loi, dénonçant l’enfermement et l’exploitation des femmes, apparaît comme une victoire du  mouvement abolitionniste, soutenue par les féministes. Mais rien n’est prévu dans le texte pour aider les prostituées à se réinsérer. Si bien que le problème n’est pas résolu mais simplement déplacé. Les filles se retrouvent dans la rue et tombent sous la coupe de nouveaux proxénètes.