En Afghanistan, des filles se travestissent en garçon dès leur plus jeune âge… par obligation en général, par choix parfois. On les appelle les bacha posh, littéralement « celles qui s’habillent en hommes ». Cheveux coupés ou dissimulés, poitrines gainées, vêtements masculins, elles sont libres de leurs mouvements dans un pays où la rue appartient aux hommes. Ces bacha posh subviennent aux besoins de leur famille, fréquentent les garçons de leur âge, font du sport… découvrent la liberté. Mais cela n’a qu’un temps et quand arrive la puberté, il leur faut redevenir des filles, quitte à en payer le prix. Qui se cachent derrière les bacha posh ? La réalisatrice Stéphanie Lebrun les a rencontrées et a recueilli leurs témoignages et celui de leurs proches. Un documentaire émouvant sur une coutume afghane ancienne, secrète et taboue.
Il y a dix ans tombait le régime des Talibans, laissant place à l’espoir pour les milliers d’Afghanes. Et pourtant… si peu de choses semblent avoir changé depuis. Pour certains observateurs, la situation se serait même détériorée. Plus de 80% des femmes sont toujours analphabètes et fréquenter l’école reste un acte de courage pour les Afghanes qui craignent les attaques à l’acide à chaque coin de rue. Mariées de force, elles subissent aussi la violence conjugale, en toute impunité. Leur quotidien : l’enfermement encore, entre quatre murs ou sous la burqua.
Malgré le danger, certaines filles bravent les interdits. Elles sortent seules, sans voile, travaillent à leur gré, vont à l’école et disent ce qu’elles pensent. Leur secret ? Prendre l’apparence d’un garçon pour pouvoir vivre comme les hommes. On les appelle les bacha posh. Combien sont-elles ? Difficile à dire. Des centaines, peut-être des milliers. Mais si certaines se travestissent par choix pour profiter d’une liberté exclusivement accordée aux hommes, la plupart ont été transformées en garçon par leurs parents dès leur plus jeune âge. Un phénomène qui tire son origine d’une tradition ancestrale. Car, en Afghanistan, ne pas avoir de descendant mâle, c’est risquer l’opprobre sociale d’abord, mais c’est être condamné aussi à la misère économique. Or, une bacha posh peut travailler, accompagner ses sœurs faire les courses… faire vivre toute une famille quand le père n’est plus là.
Mais à la puberté, difficile de continuer. D’ailleurs, leurs proches leur imposent en général de redevenir des filles à part entière. Un retour à la réalité très difficile pour ces bacha posh qui ont connu la liberté et se retrouve brutalement de l’autre côté, derrière les murs d’une maison, sous le voile. Les séquelles psychologiques sont souvent lourdes pour elles qui ont vécu dans la peur d’être démasquées, mettant en danger leur famille. Et quid de leur identité ? Comment redevenir femme quand on a passé toute son enfance à se comporter en homme ? Chacune doit composer.
Pour illustrer ce phénomène, Stéphanie Lebrun nous livre dans son documentaire Kaboul : tu seras un garçon ma fille, quatre portraits bouleversants, quatre parcours différents qui éclairent le quotidien de ces bacha posh. Rencontre avec Shabina, 9 ans, déguisée en garçon, afin de pouvoir aider son père, amputé des deux jambes, à tenir son épicerie. Mariam, elle, a choisi de devenir bacha posh. A 14 ans, elle est la meilleure joueuse de tennis de l’Afghanistan et veut continuer à conserver ce statut le plus longtemps possible. Mais ses parents commencent à faire pression sur elle pour qu’elle redevienne une fille à part entière pour ne pas s’attirer la foudre des mollahs qui ne tolèrent cette pratique que jusqu’à la puberté. Jack a réussi à imposer son statut de bacha posh à sa famille, même si elle sait qu’elle la met en danger. Elle ne veut plus quitter ses habits d’homme, quitte à renoncer à l’amour. Quant à Naid, membre de l’équipe féminine de foot, elle a finit par rentrer dans le rang sous la pression de sa mère. Elle veut faire des études, se lancer en politique. Mais est-ce possible quand on est une femme en Afghanistan ? Alors Naid s’en remet à Dieu.
Grâce à la caméra et au talent de Stéphanie Lebrun, ce sont quatre Afghanes courageuses, déterminées, lucides que nous découvrons et qui n’ont de cesse de répéter le mot « LIBERTE » dans ce pays où prime le masculin. Un documentaire émouvant aussi qui nous fait prendre conscience que le combat des femmes est encore loin d’être gagné là-bas.
Le documentaire de Stéphanie Lebrun sera rediffusé le 8 juin 2012, sur France 5, à 00 h 45.
Sur ce thème, je vous invite à voir également un film magnifique de Siddiq Barmak, Osama, qui a remporté trois prix au festival de Cannes en 2003 (Un article sur ce film prochainement).