En Inde, les règles restent un tabou. Un sujet honteux, dont on ne parle pas. Le documentaire « Les règles de notre liberté » brise le silence en libérant la parole des femmes. Il vient de recevoir l’Oscar du meilleur documentaire court.
Le village de Kathikhera, à 60 km de New Delhi. Ici, comme ailleurs, dans l’Inde rurale, les serviettes hygiéniques sont si rares que très souvent les adolescentes ne savent pas ce que c’est. Au mieux elles en ont entendu parler à la télévision. Pas étonnant quand on sait que moins de 12% des Indiennes ont accès à des protections hygiéniques, vendues généralement hors de prix.
Peu informées sur ce que sont les menstruations, les Indiennes utilisent des bouts du chiffon ou du papier journal, ce qui les oblige à se changer régulièrement. Or, les structures scolaires ne sont pas adaptées et les adolescentes ne disposent d’aucune intimité. Elles doivent sortir de l’établissement, aller se changer souvent loin et affronter le regard des hommes. Nombreuses sont celles qui finissent par abandonner l’école. Le manque d’hygiène peut également provoquer des problèmes de santé. Considérées comme impures quand elles ont leurs règles, les Indiennes ne peuvent pas aller prier au temple, entrer dans la cuisine ou toucher la nourriture familiale. Un tabou qui les exclut plusieurs jours par mois de l’espace privé et public.
C’est cette réalité que nous fait découvrir la réalisatrice américano-iranienne Rayka Zehtabchi. Le documentaire « Les règles de notre liberté » montre l’arrivée d’une machine à fabriquer des serviettes, véritable révolution dans le village. Progressivement, la parole se libère. Une petite entreprise de production gérée uniquement par des femmes se développe : des milliers de serviettes hygiéniques sont fabriquées puis vendues. Le nom choisi : Fly, symbole de leur envol, le prix de leur liberté et de leur émancipation. Pour certaines femmes d’ailleurs, c’est la première fois qu’elles ont un travail rémunéré. Sneba, elle, veut entrer dans la police ; l’argent qu’elle touche de la vente des protections hygiéniques lui permet de financer ses études.
Ce documentaire s’inscrit dans un projet plus vaste initié par Melissa Berton,une professeure dans un lycée privé d’Oakwood à Los Angeles. Il y a trois ans, elle lance avec ses élèves le Pad Project. L ’objectif : récolter des fonds pour envoyer dans le village rural de Kathikhera, une machine à fabriquer des serviettes hygiéniques bon marché et une réalisatrice pour en revenir avec un documentaire. Cette machine, elle est fabriquée par Arunachalam Muruganantham , un homme qui a changé la vie de centaines de milliers d’Indiennes en mettant au point une machine qui leur permet de fabriquer elles-mêmes des serviettes hygiéniques qui coûtent trois fois moins cher.
Sans tomber dans le pathos, « Les règles de notre liberté » brise un tabou mais nous prouve aussi que des solutions existent. Un message plein d’optimisme même si le chemin est encore long.
- « Les règles de notre liberté », documentaire de 25 mn, diffusé sur Netflix.
- Pour soutenir le projet, c’est ici.
1 commentaire
Les commentaires sont fermés.