Contraception des mineures : un nouveau rapport qui divise

91 % des Françaises sexuellement actives âgées de 15 à 24 ans déclarent employer une méthode contraceptive mais deux tiers des grossesses non prévues ont lieu sous contraception. Un chiffre qui a alerté Jeannette Bougrab, secrétaire d’Etat chargée de la jeunesse et de la vie associative. Pour y voir plus clair, elle a demandé à Israël Nisand, Chef du service de gynécologie obstétrique au CHU de Strasbourg, auteur de Et si on parlait de sexe à nos ados ?,  un rapport relatif à la contraception chez les jeunes. Celui-ci lui a été remis jeudi 16 février 2012.

La principale proposition émanant de ce document est la gratuité de la contraception pour les mineures. « Aujourd’hui, on est dans cette situation paradoxale où la contraception d’urgence (dite pilule du lendemain) est gratuite et anonyme, mais pas la contraception régulière », a relevé Jeannette Bougrab. Depuis quelques années, les pouvoirs publics, informés de l’augmentation de l’IVG des mineures (+ 25% entre 2002 et 2006) cherchent en effet à enrayer le phénomène. L’anonymat et la gratuité de la contraception ont déjà été proposés par plusieurs rapports récents.

Pour l’instant, aucune mesure en ce sens n’a été décidée. D’autant que la proposition divise au  sein du gouvernement. La secrétaire d’Etat à la Santé, Nora Berra, avait déjà exprimé son opposition le 26 octobre 2011 lors d’une conférence de presse présentant une campagne sur la contraception : elle rappelait le caractère potentiellement toxique de la pilule et soulignait les risques de complications thrombotiques graves, voire de décès chez des femmes ayant des facteurs de risque. D’autre part, elle refusait de remettre en question l’autorité parentale, soulignant l’importance des parents pour « l’encadrement, l’éducation, le coaching » des adolescentes dans une période où elles seraient « fragiles, en construction identitaire. »

Pour Nathalie Bajos, sociologue démographe à l’Inserm, spécialiste des comportements sexuels, la contraception gratuite « ne peut que participer à la baisse des grossesses non prévues. Pour autant, est-ce que cela aura un effet sur le taux d’avortement ? On n’en sait rien. Il n’y a pas de lien direct. » (Elle n° 3452)

Les 18 propositions du Rapport Nisand sur la contraception adolescente

1. Confidentialité constante et crédible de la consultation et de la délivrance de la contraception aux mineures.

2. Gratuité de l’ensemble des moyens contraceptifs et des préservatifs jusqu’à 18 ans (et sous conditions de ressources de 18 à 25 ans) au travers d’un « forfait contraception pour mineures » proposé par l’Etat aux laboratoires pharmaceutiques volontaires*.

3. Créations de réseaux pluridisciplinaires d’orthogénie (médecins, pharmaciens, sages-femmes, infirmières scolaires, conseillers conjugaux, CPEF et MFPF) pour les jeunes couvrant tout le territoire national et formation spécifique des professionnels de santé participant à ces réseaux de prévention. Préparer le corps médical à la pratique de la première consultation en contraception de l’adolescence et la rémunérer sous forme d’un C2 une fois dans la vie de la femme.

4. Application de la loi de 2001 sur l’information à la sexualité en milieu scolaire sous la responsabilité du ministre de l’Education nationale assortie d’un contrôle de l’exhaustivité des établissements où la loi est appliquée correctement par les rectorats.

5. Rémunération des professionnels libéraux qui participent à l’application de la loi de 2001 au prorata de leur engagement horaire validé par le réseau pluridisciplinaire d’orthogénie.

6. Pour les enfants en maternelle et primaire, par l’intermédiaire des maîtres des écoles formés dans leur cursus à cette nouvelle mission, dispenser des informations sur la vie affective, émotionnelle, sentimentale et sur le respect de soi-même dans un rapport au corps sexué.

7. Constitution des ressources humaines pour l’information à la sexualité en milieu scolaire.

8. Mesure du taux de grossesses chez les mineures par les ARS dans chaque canton pour savoir où les jeunes femmes sont les plus exposées et y intensifier la prévention.

9. Réorienter les campagnes médiatiques vers les parents.

10. Organiser une résistance institutionnelle, collective et sociétale à la diffusion libre et marchande de la pornographie auprès des jeunes (taxation dissuasive de l’exposition et de la vente de pornographie et information précoce des jeunes sur les dangers de cette addiction).

11. Créer des lieux d’accueil parents-enfants pour qu’une écoute psychologique gratuite, anonyme et sans rendez-vous puisse être offerte à tous les parents quel que soit l’âge de leur enfant** où ils puissent trouver de l’aide quand ils se trouvent en difficulté.

12. Diffuser plus largement le « Double Dutch », contraceptifs + préservatifs, pour contrer l’utilisation exclusive du préservatif en pensant à y associer tous les modes d’administration de la contraception hormonale.

13. Diffuser et prescrire plus largement les contraceptions qui ne dépendent pas de l’observance de la jeune femme.

14. Mettre en avant par l’éducation la responsabilité des jeunes hommes dans la contraception.

15. Informer les parents des lieux où leurs enfants peuvent disposer d’informations, d’aide et d’écoute adaptée dans le domaine de la sexualité.

16. Intégrer une formation à l’éducation sexuelle pour tous les adultes qui encadreront des jeunes (enseignants, BAFA).

17. Uniformiser et clarifier la gestion des centres pouvant venir en aide aux jeunes (intiulé unique).

18. Créer un outil de communication national*** donnant l’inventaire des centres disponibles pour venir en aide aux jeunes sous la responsabilité de l’INPES.

Notes :

* Ce forfait pourrait être fixé à hauteur approximative de 7€/mois et par mineure pour les contraceptions innovantes ne figurant pas au tableau des produits pharmaceutiques remboursés. Le coût total annuel par mineure serait donc de l’ordre de 80€ s’ajoutant au prix d’une consultation annuelle de renouvellement. Ce coût doit être mis en regard du coût d’une IVG (de l’ordre de 350€) qui ne tient compte ni des frais occasionnés par les suspicions de grossesse, ni de la contraception d’urgence, ni des conséquences psychologiques des IVG des mineures si difficiles à mesurer.

** Sur le modèle de l’association pour la prévention, la promotion de la santé psychique des familles (PPSP) et de son lieu d’accueil « Les pâtes au beurre », un appartement pour les parents, véritable maison de la parentalité créé par un des auteurs en 1999 (SM). Siège social à Nantes en Loire-Atlantique.

***Sur le modèle de la plateforme anglaise qui offre un service complet de cartographie des centres, de forum de discussion et de fiches pédagogiques

A lire :

« La contraception gratuite pour les mineures, une solution trop simpliste » par Fabien Quedeville, médecin généraliste, sur leplus.nouvelobs.com