Tokyo, capitale du Levant

Tokyo. C’est ici qu’a débuté en 2010 notre voyage de noces au Japon. Trois semaines d’enchantement, de la capitale tentaculaire du Levant aux monastères bouddhistes de Koya San, des temples de Kyoto au mémorial de la paix à Hiroshima.

Tokyo, un village de pêcheurs

Fin du 15e siècle. Edo est un village de pêcheurs. Ota Dokan y érige alors un premier château. En 1603, Edo devient le siège du gouvernement militaire des shoguns. La ville se développe. Elle compte déjà près d’un million d’habitants sous l’égide du 8eshogun Togugawa Yoshimune (1684-1751), alors que des catastrophes surviennent régulièrement, à l’image du terrible incendie de Meireki qui ravagea 60% de la cité en 1657. Le 13 septembre 1868, sous l’ère Meiji, Edo devient la capitale du pays ; elle est rebaptisée Tokyo, littéralement la « capitale de l’est ».

Le séisme de 1923 jette Tokyo à terre : 140 000 disparus, 300 000 maisons détruites. A peine relevé, un quart de la ville est rasé par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. La guerre achevée, la population de Tokyo tombe à 3,5 millions d’habitants ; deux fois moins qu’en 1940.

Les Jeux Olympiques de 1964 lui redonnent un premier souffle.Dans les années 1980, le Japon devient la deuxième puissance économique du monde. Les yeux sont alors braqués sur sa capitale. Chaque quartier veut son étendard, son gratte-ciel. On continue de construire ; 30% de ses bâtiments surgissent après 1985. Tokyo compte aujourd’hui plus de 13 millions d’habitants.

Tokyo, d’Asakusa à Akihabara

Nous avons choisi de débuter la visite de Tokyo par le quartier d’Asakusa qui abrite Senso-Ji, le plus vieux temps bouddhiste de la ville. Situé au nord-est de Tokyo, ce quartier était sous l’ère Meiji l’un de ces fameux sakariba, lieux animés et très convoités des habitants voulant échapper le temps d’une soirée au carcan rigide et stratifié qu’est alors la société japonaise. Artistes, intellectuels, écrivains déambulent avec bonheur dans ce quartier populeux où « l’on y voit, à nu, palpiter tous les désirs »(Kawabata, Chronique d’Asakusa). Réduit en cendres pendant la Seconde guerre, le quartier a été entièrement reconstruit mais sans perdre sa taille humaine : ruelles étroites, maisons basses qui s’organisent autour du temple.

Le temple Senso-ji

La « Porte du tonerre », la Kaminari-mo, marque l’entrée conduisant au Senso-ji. Les divinités de la foudre et du vent qui flanquent ses deux piliers vermillon ont pour charge d’effrayer les démons. Passé la porte, l’allée piétonne Nakamise-dori, est jalonnée d’échoppes et de lanternes en papier.

Ce temple, le plus ancien de la ville, a été fondé au 7e siècle par deux pêcheurs qui auraient remonté dans leur filet une petite statue en or de Kannon. Cette divinité est l’avatar féminin du dieu hindouiste asexué Avalokitesvara, terme signifiant le « Seigneur qui regarde d’en haut », c’est-à-dire vers le bas, avec commisération. Détruit pendant la seconde Guerre, l’édifice actuel date seulement de 1958.

Le Parc de Ueno

Le plus grand parc de Tokyo est aussi le plus ancien des jardins publics du Japon. C’est également le parc des musées et des expositions temporaires. Un incontournable : le musée national de Tokyo, le plus vieux (1872) et le plus grand des musées japonais (environ 110 000 pièces, 87 trésors nationaux).

Le quartier d’Akihabara

De la pointe sud du parc de Ueno, la Chuo-dori descend jusqu’à Ginza. En chemin, elle traverse sur plus d’un kilomètre de long la ville électrique d’Akihabara, royaume de l’électronique.

Dès les années 1930, les premières machines à laver font ici leur apparition. Puis, au début des années 1960, c’est au tour des postes de télévision, fours à micro-ondes, consoles de jeux vidéo… A chaque décennie son lot de nouveauté. Akihabara est également devenu la « Mecque » des mangas ».

Du palais impérial au quartier animé de Shinjuku

Sous une chaleur étouffante, nous avons découvert le deuxième jour de notre voyage, le palais impérial et ses alentours avant d’arpenter Ginza, l’équivalent de la 5e avenue new-yorkaise.

Le palais impérial 

« Si les villes occidentales ont « un centre toujours plein » où se rassemblent et se condensent les valeurs de la civilisation (églises, bureaux, banques, grands magasins), la ville dont je parle (Tokyo) présente ce précieux paradoxe : elle possède bien un centre mais ce centre est vide. Toute la ville tourne autour d’un lieu à la fois interdit et indifférent, demeure masquée sous la verdure, défendue par des fossés d’eau, habitée par un Empereur qu’on ne voit jamais ». (Roland Barthes, L’empire des signes)

Si ce vide de 101 ha peut surprendre dans une ville congestionnée, il faut rappeler qu’il fut le siège du pouvoir des Tokugawa pendant trois siècles. En lieu et place des jardins actuels, régnait alors un ordre politique et social. C’est ici que fut construit le premier château d’Edo. Avec l’ère Meiji et le déplacement de la cour impériale de Kyoto à Tokyo, le château se transforme en palais impérial. Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale le réduisent en cendres. Il est reconstruit à l’identique en 1968 avec, au début des années 1990, l’ajout de quelques résidences impériales. Le palais impérial est fermé au public. Pour une visite guidée, mieux vaut réserver quelques jours à l’avance. Néanmoins, celle-ci est apparemment décevante, peu d’espaces étant ouverts au public.

Le temple Yasukuni-jinja

Une fois passé la statue d’Omura Masujiro (1824-1869), fondateur de l’armée moderne nippone, une allée jalonnée de gingkos et de lanternes de pierre mène à une imposante porte en cyprès. C’est derrière le hall central que se trouve le sanctuaire principal où résident les divinités depuis 1872. Chaque 15 août, date anniversaire de la capitulation japonaise, la polémique fait rage : le Premier ministre japonais se rendra-t-il ou non au sanctuaire pour saluer la mémoire des 2, 5 millions de soldats tombés à la guerre pour l’Empereur depuis l’ère Meiji ?

La question est importante. Car, depuis 1978, 14 criminels de guerre ont été enregistrés au sanctuaire en toute discrétion. « On doit accepter tous ceux qui sont morts pour servir le Japon », répondent les moines, ajoutant qu’un « mort ne reposant pas en paix peut sérieusement perturber le monde des vivants ».

Ginza

C’est à la fin du 19e siècle  que Ginza devient la vitrine du développement à l’occidentale, avec dès les années 1870 nombre de bâtiments en briques  alors inédits au Japon. C’est là aussi que vit le jour le premier grand magasin de la ville et qu’apparut l’éclairage au gaz. Toutes le grandes enseignes de luxe ont leur building dans ce quartier !

Shinjuku

Un quartier à l’activité frénétique où les grands magasins de luxe côtoient les galeries marchandes de produits bon marché, les néons scintillants font face aux administrations guindées… Chaque jour, trois millions de personnes transitent par sa station de métro, l’une des plus fréquentées du monde. A l’ouest de la station de métro s’étend la plus forte concentration de gratte-ciel dominée par les deux tours gigantesques de l’architecte Kenzō Tange qui renferment les bureaux administratifs de la ville de Tokyo. La partie à l’est du métro est formée d’un labyrinthe de grands magasins, de restaurants. Un quartier idéal pour passer la soirée.

Sur les collines de Tokyo


Marée humaine à Shibuya 

Quartier commerçant situé au sud-ouest de Tokyo, il comptabiliserait quelque 750 000 personnes par jour. Des centaines de milliers de piétons empruntent le carrefour gigantesque de Shibuya, flanqué d’écrans géants, sous lesquels ils se croisent sans jamais se heurter. Emportés par la foule, les japonais ont élu comme point de rendez-vous : la statue de Hachikō. Dans les années 1920, le petit chien Hachikō attendait son maître à la sortie de la gare. Un jour, le professeur ne rentra pas, emporté par une crise cardiaque. Le chien revint chaque jour guetter son maître avant de disparaître à son tour dix ans plus tard. La fidélité de Hachikō fit le tour du Japon. On édifia alors une statue en bronze à sa mémoire sans jamais souffler mot de ces vendeurs de yakitori qui, ayant pris le chien en amitié, le nourrissaient quotidiennement.

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La colline des love hotel

La zone autour du sommet de Dōgenzaka est sans doute la capitale nippone des love hotel. Il y en a pour tous les gouts, du château gothique miniature au temple oriental, sans parler des chambres pour le moins étonnantes. On peut s’aventurer à l’intérieur pour regarder sur un panneau lumineux les photos de chambres disponibles.

Roppongi hills

Le quartier de Roppongi est essentiellement un lieu de sorties nocturnes, fréquenté par un million de visiteurs chaque week-end. Il est agréable de prendre un verre le soir à Roppongi hills, ensemble architectural impressionnant dont la réalisation a pris dix-sept ans. Il a été imaginé par le magnat de l’immobilier Minoru Mori, convaincu que le regroupement des lieux de travail, d’habitation et de loisirs au sein d’un même microcosme urbain pouvait améliorer la qualité de vie des habitants.

La Mori Tower, tour de 54 étages réalisée par l’atelier américain Kohn Pedersen Fox, est en quelque sorte le centre névralgique de Roppongi Hills, autour de laquelle s’organise l’activité. À son pied, on découvre une araignée géante intitulée « Maman », sculpture d’une dizaine de mètres réalisée par la plasticienne Louise Bourgeois.

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Il est intéressant de pénétrer dans cette tour à l’entrée insolite, sorte de cône appelé Metro Hat. Au 52e étage s’ouvre un atrium circulaire, 300 m de circonférence sur 11 m de hauteur offrant un panorama à 360 degrés sur la ville.

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Des mangas et des chats

Caresser des chats, emprunter l’escalator le plus long du monde, rester coi devant l’excentricité vestimentaire de la jeunesse branchée… La dernière journée passée à Tokyo nous a réservé de belles surprises !

Jinbo-cho : le quartier des libraires

C’est un incontournable quand on entretient une vraie passion pour les livres ! Avec ses 160 librairies pour quelques 10 millions de livresle quartier de Jinbo-cho est un quartier serein, contrastant avec le reste de la capitale nippone. On flâne dans ses ruelles, on pénètre dans les librairies où le papier est roi, on se laisse tenter par un achat coup cœur uniquement parce que l’on trouve la couverture d’un livre esthétique.

Il n’est pas rare que ce quartier accueille des expositions de rue.Lors de notre visite, One Piece,  manga le plus vendu au Japon, était à l’honneur. A cette occasion, nous avons participé à un jeu de pistes autour de ce célèbre manga.

Ikebukuro l’insolite

Jadis regardé comme le parent pauvre de Shinjuku, Ikebukuro ne manque pas d’atouts aujourd’hui. Ce quartier accueille deux des grands magasins les plus gigantesques au monde (Seibu, et Tobu), la seconde gare la plus fréquentée de Tokyo et l’escalator le plus long du monde au Tokyo metropolitan Art space.

Pour les amoureux des chats ou par simple curiosité, rendez-vous au dernier étage du Tokyo hands, chez Nekobukuro. Vous participerez à une activité insolite pratiquée par de nombreux tokyoïtes : jouer avec des chats. Dans cette ville où les appartements sont minuscules, ceux qui ne peuvent pas avoir d’animal de compagnie, faute de place, viennent combler ce manque dans des lieux dédiés aux chats.

Harajuku, un concentré de l’excentricité vestimentaire japonaise

Quartier de la jeunesse branchée, c’est ici que vous croiserez ce qu’il y a de plus excentrique à Tokyo. Commencez par vous frayer un chemin sur la Takesdiha-dori, rue piétionne grouillante de monde. Le spectacle est aussi bien dans la rue qu’aux vitrines des magasins qui exposent leurs panoplies colorées. Ici s’affichent toutes les modes pours adolescents : du « gothic » flamboyant aux bottines roses des costumes de manga.

Si vous visitez le quartier le week-end, ne manquez pas le pont HarajukuLes adolescentes se réunissent ici chaque week-end déguisées ou habillées selon la sous-culture spécifique qu’elles revendiquent : visual rock (esthétisme des groupes de rock), cosplay (personnages de manga), gothic Lolita (Lolita mêlant pulsions de vie et de mort)… Leurs motivations sont diverses : s’amuser, être vue sans être reconnue, transgresser les codes vestimentaires. Pour certaines, il s’agit de ressembler à leur avatar, c’est-à-dire à l’apparence qu’elles se sont choisies pour évoluer dans le monde virtuel, seule identité dans laquelle elles se reconnaissent.

Jardin national Shinjuku Gyoen

Ancienne propriété du seigneur Naito, ce jardin impérial depuis 1906 réunit sur 58 ha plusieurs conceptions paysagères. Au côté d’un jardin japonais, on trouve un paysage anglais et un jardin à la française. A l’époque de l’ère Meiji, c’est dans ce jardin qu’était expérimenté la culture des fruits importés  d’Occident. Et c’est aussi au Shinjuku Gyoen que le Premier ministre fait chaque année son hanamigarden party organisée pour regarder au printemps les fleurs des cerisiers. On profite également d’une jolie vue sur les gratte-ciel. Idéal pour savourer un moment de calme après l’effervescence de Harujuku.

Sources :

  • Japon, Lonely planet, 2008.
  • Japon, National Geographic.
  • Japon, Guide vert, 2009.
  • Sabouret Jean-François, Japon, peuple et civilisation, La découverte, 2004.

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