Juillet 1937. Brunete, en Espagne. Une photographe, venue immortaliser la lutte du peuple espagnol, est morte, écrasée par un char. La photographe, c’est Gerda Taro. Le 1er août, à Paris, ils sont tous là. Gerda Taro aurait eu 27 ans ce jour là. Au premier rang, se tient son compagnon, Robert Capa, dévasté. Son éloge funéraire est prononcé par Pablo Neruda et Louis Aragon ; Alberto Giacometti a dessiné sa tombe, une vasque représentant Horus, le faucon symbolisant la résurrection dans l’Egypte antique.
Gerda Taro fut la première femme photo-reporter de guerre en couvrant la Guerre d’Espagne. Pourtant, son travail fut éclipsé pendant des années par celui de Robert Capa. Ce n’est qu’en 2007 par le plus grand des hasards que le talent de Gerda Taro fut redécouvert. 4500 négatifs de la Guerre d’Espagne sont retrouvés à Mexico ; ils sont de Gerda Taro, Robert Capa et David Seymour. Ces négatifs permettent de reconsidérer le travail réalisé par la photographe de guerre, la première à avoir trouvé la mort lors d’un conflit.
Née le 1er août 1910, en Allemagne, celle qui s’appelait en réalité Gerta Pohorylle a fréquenté, à Leipzig les milieux de gauche ; arrêtée en 1933 pour ses activités antinazies, elle s’exile à Paris. Elle y retrouve d’autres jeunes gens, des « étrangers » qui comme elle cherchent à se faire une place. C’est aussi à Paris qu’elle rencontre le photographe hongrois André Friedmann qui lui apprend à se servir d’un Leica. Pour lui, elle invente le nom de Robert Capa et des origines américaines, devenant elle-même Gerda Taro. Ensemble, les deux compagnons couvrent la guerre civile espagnole aux côtés des troupes républicaines. Robert Capa y prend la photo qui lui vaut sa renommée : « Mort d’un Soldat républicain ».
Pour raconter Gerda Taro, Helena Janeczek n’a pas choisi la biographie. C’est en plongeant dans les souvenirs de trois témoins qui ont partagé sa vie et ses passions que l’on découvre une femme courageuse, profondément optimiste, engagée et libre. Il y a d’abord Willy Chardarck, étudiant en médecine et amoureux transi qui sera un temps son amant ; puis Ruth Cerf, journaliste et amie de cœur, et Georg Kuritzkes, militant convaincu, compagnon, qui s’engagera dans les Brigades internationales.
La fille au Leica n’est pas une hagiogaphie. C’est le portrait d’une femme lumineuse et indépendante. Gerda Taro est morte à 26 ans. Tous l’ont profondément aimée, même si parfois elle les a déçus, blessés. Gerda Taro fascinait, aussi bien les hommes que les femmes. Militante antifasciste de la première heure, Gerda Taro fut aussi la première femme photo-reporter de guerre. Heureuse qu’elle soit sortie de l’ombre.
Helena Janeczek, La fille au Leica, Actes sud, 2018.
Voir des photos de Gerda Taro