Femmes de dictateur : l’amour à mort

Asma el-Assad, Suzanne Moubarak, Leïla Trabelsi… Les événements de ces derniers mois ont propulsé sur le devant de la scène ces femmes restées jusqu’à présent dans l’ombre de leur époux. Qui sont-elles ? Quel rôle jouent-elles auprès de leur mari ? Ces femmes de dictateur nous intriguent… Diane Ducret en a fait un livre, Femmes de dictateur 2. Un deuxième tome qu’elle consacre cette fois-ci à six despotes contemporains : Castro, Milosevic, Saddam Hussein, Khomeiny, Kim Jong-Il et Ben Laden.

Mais pourquoi pas Kadhafi ou Amin Dada ? « J’ai choisi six hommes qui, à un moment donné de leur histoire, ont mis en péril la sécurité d’une région du monde et qui, tous, se nourrissent d’une haine de l’Occident: soit pour des questions de géopolitique, soit pour des raisons religieuses. (…) Il m’apparaissait d’autant plus intéressant de décrire leur vie sentimentale que l’image qu’ils renvoient d’eux-mêmes -dure, cruelle- ne laisse pas supposer une quelconque sentimentalité en eux. Comment imaginer en effet que l’ayatollah Khomeiny, dont on sait quel traitement il a réservé aux Iraniennes, faisait la vaisselle et récurait les toilettes de sa maison pour que son épouse n’ait pas à le faire! Comment pouvait-on supposer que le viril révolutionnaire Fidel Castro jouait aux petites voitures dans son bureau où défilaient ses maîtresses enamourées? À travers la vie intime de ces « monstres », on prend conscience qu’ils sont des êtres humains comme vous et moi. C’est dérangeant à lire, cela ruine le confort intellectuel de ceux qui voudraient leur ôter toute part d’humanité afin d’excuser l’adhésion des masses à leur cause mais c’est la réalité. L’histoire des dictatures, ce n’est pas qu’une affaire de testostérone. Le comportement en tant que père, mari ou amant des hommes de pouvoir absolu apporte un éclairage précieux sur leur personnalité d’homme d’Etat », explique l’auteur dans une interview accordée au Figaro.

Pour ce deuxième tome, Diane Ducret a enquêté plusieurs mois pour retrouver celles qui furent proches de ces dictateurs. Elle en a rencontré certaines. Et c’est sûrement ce qui fait l’intérêt de ce livre de près de 400 pages dont le style déçoit parfois, donnant l’impression que certaines pages ont été rédigées dans l’urgence. L’auteure a-t-elle été rattrapée par une actualité brûlante, véritable opportunité marketing capable de doper les ventes ?

Je vous conseillerai donc de commencer par le tome 1, publié l’année dernière, qui s’intéressait aux tyrans fascistes et communistes du 20e siècle. Un vrai travail historique qui, en s’appuyant sur les archives, raconte les rencontres, les stratégies amoureuses, l’intervention de la politique, les destinées diverses… de ces femmes qui ont croisé le chemin des dictateurs. Elles s’appellent Nadia, Clara, Magda, Jiang Qing, Elena, Catherine, Mira… Ils s’appellent Lénine, Mussolini, Staline, Hitler, Salazar, Mao, Ceausescu, Bokassa, Milosevic.

On pourrait être tenté de dresser une typologie de ces femmes : qu’ont-elles en commun ? Quelles sont leurs motivations ? Jusqu’où sont-elles prêtes à aller ? Et pourtant, impossible de dresser un portrait robot de ces femmes. Néanmoins, leurs destinées semblent s’accorder sur un point : une fin tragique. Presque toutes ont été sacrifiées, exécutées, massacrées ou se sont suicidées, comme Eva Braun aux côtés de Hitler, dans leur bunker de Berlin, ou encore Jiang Qing, condamnée en 1981, qui choisit de mettre fin à ses jours dix ans plus tard.

Un livre passionnant, effrayant aussi, qui sort de l’ombre ces épouses, maîtresses, compagnes, égéries, admiratrices de despotes, sans tomber jamais dans la psychologie de bas étage.

Mao, le tigre de ces dames

Mao avec Zhu Enlai, Lin Piao et sa quatrième femme Jiang Qing (à droite). Elle lui survivra et sera jugée lors du procès de la Bande des Quatre. Photo : XINHUA/AFP

Si Mao accepta de se marier bien qu’il considérait le mariage comme « une convention bourgeoise oppressive », il ne renonça jamais à ses maîtresses. En 1930, alors qu’il lance une offesnive sur la ville de Changsha, sa première femme, Kaihui, épousée en 1920, est arrêtée par le général qui lui propose un marché : la liberté contre une condamnation publique des agissements de son mari. Elle devra aussi divorcer sur le champ. Kaihui qui n’a jamais supporté qu’on lui dicte sa conduite et qui refuse de trahir son grand amour, ne dénoncera pas Mao. A l‘âge de 29 ans, elle est décapitée ; Mao n’assistera évidemment pas à la mort de sa femme. Obnubilé par ses ambitions politiques, il avait pris la fuite sans prendre le soin de mettre la mère de ses enfants à l’abri : celle-ci en a payé le prix de sa vie.

Mais déjà Mao n’est plus seul. Il fréquente depuis plusieurs années He Zizhen, la fille d’un combattant communiste et intellectuel du riche district de Yongxin. Zizhen est une révolutionnaire à sa manière : elle rejette depuis toujours le mode de vie traditionnel qui cloître les femmes bien nées, et aspire à connaître un univers plus vaste : le plaisir, la vie. A peine âgée de 18 ans, la jeune femme épouse Mao. En octobre 1934, alors qu’elle est enceinte, Mao lance sa Longue Marche, celle qui fera de lui un mythe ; un parcours de douze mois, long de 12 000 kilomètres. Zizhen est du voyage. Elle accouchera en route et sera contrainte d’abandonner le nouveau-né si elle veut qu’il ait des chances de survivre. Elle noie son chagrin dans l’action en devenant infirmière. Malheureusement, une attaque du Guomindang lui laisse peu de répit : elle est touchée par plus d’un douzaine d’éclats d’obus qui ont entamé son dos et son crâne. Elle implore qu’on l’achève ; elle survit. A la fin de la marche forcée, en octobre 1935, He Zizhen, martyre pour la cause, est devenue la première dame de la révolution. Elle finit par quitter Mao qui ne fera rien pour la retenir. Elle finira internée dans un asile d’aliénés.

Quant à la dernière compagne de Mao, Jiang Quing, celle-ci se distinguera par son extrême cruauté. Comédienne ratée, elle a très tôt compris que c’est grâce aux hommes qu’elle parviendra à s’élever socialement. Elle a déjà vécu ou été mariée à quatre hommes différentes quand elle rencontre Mao. Devenue l’épouse du dictateur, elle se vengera de toutes les femmes qui croiseront le chemin de son époux. Condamnée à mort le 25 janvier 1981 à l’issue de son procès, elle aura finalement la vie sauve mais passera ses derniers jours en prison. Le 14 mai 1991, elle se suicide.

Mari cruel et froid, Le Grand Timonier a en tout cas toujours battu en retraite face aux crises de jalousie ou de colère de ses différentes épouses ou maitresses.

Une émission à écouter sur le sujet : « Les femmes de dictateurs et les femmes et le nazisme », diffusée sur France Inter le dimanche 15 avril 2012.

A lire :

– Le dossier du Figaro magazine

A quoi pense Asma Al-Aswad ? Interview de Diane Ducret.