Olympe de Gouges, une femme en avance sur son temps

Deuxième femme guillotinée de la Révolution française, après Marie-Antoinette, Olympe de Gouges fut une auteure prolifique et éclectique : un roman autobiographique, des dizaines de pièces de théâtre, près d’une centaine de pamphlets et d’essais, qui ont pour principaux sujets l’abolition de la traite négrière et l’égalité des sexes.  Et pourtant, Olympe de Gouges reste encore peu connue du grand public. Un écueil auquel viennent de remédier Catel et Bocquet avec leur roman graphique, Olympe de Gouges, publié chez Casterman. Très bien documentée –trois ans de travail et 150 ouvrages lus –, cette biographie aux 400 planches est agréable à lire grâce aux dessins légers de Catel. L’occasion de découvrir ou de redécouvrir une femme d’une grande modernité au destin hors-norme.

Née à Montauban le 7 mai 1748, Marie Gouze, future Olympe de Gouges, serait la fille naturelle du marquis Jean-Jacques Lefranc de Pompignan et d’Anne-Olympe Mouisset, fille de drapier, mariée à Pierre Gouze, boucher. Elle épouse à l’âge de dix-sept ans et en dépit de son attirance pour le poète Valette, protégé de Voltaire, Louis-Yves Aubry, originaire de Paris et officier de bouche. Celui-ci s’installe à son compte comme traiteur à Montauban. Le 29 août 1766, elle donne naissance à Pierre. En novembre, une crue du Tarn ravage Montauban ; noyades et « fièvres » touchent les habitants. Louis-Yves succombe à une maladie. Marie devient veuve à dix-huit ans. Elle est désormais libre de ses pensées, de ses mouvements, elle qui ne s’était pas particulièrement épanouie dans cette union pourtant de courte durée.

En 1767, Marie qui se fait désormais appelée Olympe de Gouges, rencontre Jacques Biétrix de Rozières. Celui-ci devient son amant et protecteur mais toujours Olympe refusera de l’épouser. En 1773, avec son fils Pierre, elle le suit à Paris où ce dernier est nommé Premier commis de la Marine à Versailles. Olympe retrouve sa sœur Jeanne, installée à Paris depuis 1756. En 1775, Olympe de Gouges fait deux rencontres décisives pour ses velléités d’auteur : Louis-Sébastien Mercier et le chevalier de Cubières qui resteront toujours parmi ses plus proches amis. Olympe est introduite dans le salon de la marquise de Montesson, l’épouse du duc d’Orléans. Entre 1780 et 1784, elle monte sa propre troupe de théâtre amateur. Son fils joue. Elle donne des représentations chez Mme de Montesson. Elle écrit également de nombreuses pièces.

En novembre 1788, Olympe de Gouges publie sa première brochure politique : Lettre au peuple ou projet d’une caisse patriotique. Elle propose un « impôt patriotique » et volontaire, incitant chaque Français à économiser sur son train de vie. Cet impôt servira à liquider les dettes de l’Etat.  Le 15 décembre, elle publie Remarques patriotiques, vaste programme de réformes sociales. En mai 1789, elle s’installe à Versailles pour assister à l’ouverture des états généraux qui a lieu le 5 mai. Ce même mois, elle publie le Cri du sage, par une femme, où elle prône l’entente entre les deux ordres que sont la noblesse et le tiers. Sa posture de monarchiste réformatrice ne plait pas aux ultraconservateurs de l’entourage de la reine qui raillent et vilipendent Olympe, mettant en cause ses bonnes mœurs. Elle répond aussitôt en publiant Avis pressant, ou réponse à mes calomniateurs.

Le 11 juillet 1789, elle publie à 3 000 exemplaires Séance royale dans lequel elle se met à la place du roi pour écrire son discours à la nation et lui conseille d’abdiquer en faveur d’un régent – Olympe pense au duc d’Orléans. La brochure Séance royale est saisie ; on lui fait comprendre que son militantisme en faveur du duc d’Orléans risque de lui causer des ennuis plus graves. Elle finit par prendre ses distances avec le parti orléaniste.

Le 14 septembre 1791, elle publie une Déclaration des droits des femmes et de la citoyenne. En remplaçant par le mot « femme » celui d’ « homme », elle féminise tous les droits et devoirs liés à la citoyenne ; elle en profite également pour préciser ou réorienter les grands principes de 1789. Adressée à la reine et bien que largement citée aujourd’hui, cette Déclaration fut ignorée en son temps. Elle demande l’égalité des sexes et le droit de vote, des propositions qui resteront révolutionnaires jusqu’au 20e siècle.

Olympe se rapproche des Girondins. Le 4 juin 1793, elle rédige une brochure en leur faveur, Testament politique d’Olympe de Gouges, adressée le 9 juin à la Convention. Dénoncée par son afficheur, elle est arrêtée le 20 juillet. Le 2 novembre 1793, Olympe est jugée par le Tribunal révolutionnaire et condamnée à mort. Elle est guillotinée le lendemain. Et c’est bien son engagement fédéraliste et antirobespierriste qui a mené Olympe à l’échafaud et non ses revendications « féministes ».

A lire également :

Ecrits féministes, de Christine de Pizan à Simone de Beauvoir, anthologie présentée par Nicole Pellegrin, Champs classiques, 2010.